Macron et Attal s'indigne
La journée a commencé par l'occupation du grand amphithéâtre de Sciences Po par des étudiants, dans le cadre d'une journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine.
Cet acte a rapidement généré des tensions parmi les étudiants, exacerbées par l'affirmation de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) qu'une étudiante a été empêchée d'accéder à l'amphithéâtre en raison de ses opinions "sionistes".
Cette allégation a immédiatement suscité une vague de réactions politiques, le président Emmanuel Macron condamnant ces actes comme "inqualifiables et parfaitement intolérables", tandis que le premier ministre Gabriel Attal a annoncé que le gouvernement allait saisir la justice.
Harcèlements et enregistrements
Cependant, contactée par CheckNews, la première concernée dit elle-même ne pas avoir entendu de propos pointant ses “opinions sionistes”.
Les organisateurs de l'événement ont confirmé que l'accès à l'amphithéâtre avait été refusé à l'étudiante membre de l'UEJF, mais ont attribué cette décision à son comportement plutôt qu'à ses opinions politiques.
Ils ont argumenté que leur préoccupation était d'éviter que des personnes ne perturbent l'événement par des enregistrements non consentis ou du harcèlement.
Car selon des membres du comité Palestine Sciences-Po, qui se sont exprimés au micro de CheckNews : “la seule chose qui justifie qu’elle n’ait pas pu rentrer tient au fait que depuis des mois, elle filme, photographie des étudiants à leur insu, et parfois les harcèle verbalement”.
“Avec des images qui se retrouvent ensuite dans des groupes de discussion privés voire sur les réseaux sociaux, dans un contexte de grande pression sur les militants pro-palestiniens. C’est pour ça, et pour ça uniquement, que le comité avait organisé un groupe : pour vérifier que des personnes ne venaient pas dans l’amphithéâtre pour nous filmer, nous harceler” se sont inquiétés les membres du comité.
Cette polémique a suscité de vives réactions au sein du paysage politique français.
Le député insoumis Aymeric Caron a soutenu, mercredi, les étudiants mobilisés pour la Palestine. "Bravo aux étudiants de Sciences Po qui se mobilisent contre le génocide en cours à Gaza", a-t-il écrit sur X tout en critiquant le silence des politiques français sur les crimes de guerre a Gaza.
La candidate LFI (La France Insoumise) aux élections européennes, Rima Hassan, a quant à elle apporté son "soutien à tous les étudiants-es et à toutes les facultés qui se mobilisent contre le génocide en cours" et relaté les “pressions et menaces” qu’elle a subies de la part de l’UEJF lorsqu’elle était intervenue à Sciences Po, la semaine précédente.
Pression sur les universités françaises
Pour autant, il n’est pas étonnant que ces tentatives d'intimidation n’attirent aucunement l’attention d’Emmanuel Macron et Gabriel Attal, quand elles ont lieu dans ce sens. Au sein du monde universitaire français, les positions pro-palestiniennes font de manière récurrente l’objet de pressions venant tout droit du sommet même de l’Etat.
Dès le 9 octobre 2023, c’est-à-dire deux jours après les attaques du Hamas, la ministre française de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau avait adressée un courrier aux présidents d’établissements d’enseignement supérieur, appelant à “signaler” et “sanctionner” les comportements qui pourraient s’assimiler à de “l’apologie du terrorisme”, affichant sa totale solidarité avec l’Etat hébreu.
Ainsi, une pétition d'universitaires intitulée “Défendre les libertés d’expression sur la Palestine : un enjeu académique”, qui dénonce “des faits graves de censure” et de “répression” avait recensé plus de 1 000 signatures appartenants à des enseignants et chercheurs affiliés à des universités et centres de recherche prestigieux comme le CNRS, le Collège de France, Sciences Po, l’EHESS, la Sorbonne ou Aix-Marseille Université.
Les signataires ont dénoncé non seulement une “police de la pensée” qui s’est installée dans le monde académique français mais aussi un “climat de menace” et une “intimidation" qui se manifestent par l’annulation d’événements scientifiques et des “entraves à l’expression d’une pensée académique libre”.
Ils affirmaient également recenser de plus en plus de messages envoyés par les directions des universités, des laboratoires de recherche, du CNRS et par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les invitant à “signaler l’expression des idées jugées non conformes”.
“Des accusations graves d’antisémitisme ou d’apologie du terrorisme ont déjà été proférées à l’encontre de certain·es collègues spécialistes de la région (...) Les dynamiques inquiétantes que nous observons au sein de la sphère académique reflètent un phénomène structurel plus large de répression des paroles et d’expressions de pensées non hégémoniques. Les censeurs.es ont un biais idéologique qu’ils et elles imposent sans précaution, en refusant l’échange intellectuel, qui est au cœur de nos pratiques”, s’indignaient encore les signataires dans la pétition.
Cette situation soulève des questions cruciales sur la liberté d'expression, la sécurité et la cohabitation des idées politiques au sein des universités françaises.