Tôt ce vendredi matin, ils étaient déjà quelques dizaines d’étudiants, keffiehs sur la tête ou sur les épaules, à soutenir leurs camarades qui ont passé la nuit dans les locaux historiques de Sciences Po, rue Saint-Guillaume, pour que l’administration entende leurs revendications.
« Notre revendication principale est que l’école mène une enquête pour suspendre le cas échéant ses partenariats avec des organisations ou des universités qui sont susceptibles de participer à l'oppression du peuple palestinien », explique une jeune étudiante de 18 ans, en première année à Science Po, après avoir lancé des slogans en faveur de la Palestine, repris en échos par les étudiants. « Notre deuxième demande, c'est que de manière générale, Sciences Po mette fin à ce deux poids deux mesures, poursuit la jeune femme, keffieh autour de la tête. Lors de l'invasion russe en Ukraine, l'école n'a pas hésité à prendre position, à condamner fermement, alors que là, on voit qu'il y a beaucoup plus de réticences. Donc on aimerait vraiment que publiquement, l'institution prenne position, que ce soit dans ses déclarations, que ce soit dans le fait d'organiser un moment de recueil pour les victimes palestiniennes, de poser les mots sur la réalité de ce qui se passe, d'organiser des conférences qui permettent un réel débat, un réel échange ».
« Ensuite, on aimerait aussi que l'administration arrête ses intimidations à l'égard des étudiants mobilisés pour la Palestine. On a conscience qu'on fait des choses pas toujours dans les conventions, mais on le fait parce qu'on n'a pas été entendus avant. C'est-à-dire qu'on a essayé les réunions avec la direction pour discuter calmement, on a essayé les mails, on a essayé les moyens conventionnels mais pas de réponse. Donc depuis déjà le 12 mars, on a fait des actions, qui ne sont pas forcément conformes aux règlements intérieurs parce que le but, c'est de faire du bruit, de mettre de la pression » explique encore la jeune étudiante.
Les étudiants ont ainsi installé des tentes au campus Saint-Thomas, situé à quelques rues de là, avant d’être évacués par la police mercredi soir. « On a demandé un dialogue, on a eu les CRS », dénonce un étudiant devant les médias, lors d’une conférence de presse organisée au milieu de la matinée. Pour l’étudiante de première année, « Ça montre que l'indépendance académique n'est pas protégée ». « Le fait que le pouvoir intervienne directement comme ça, que ce soit à travers la police ou même le 12 mars, avec la venue de Gabriel Attal à Sciences Po, ça dérange, y compris des professeurs, et des membres qui gèrent les écoles de Sciences Po, l'école d'affaires, l'école de droit, qui vous disent qu'en fait, on a envie que notre institution reste un lieu où la connaissance, où le savoir sont protégés, où on peut s'engager pour des causes justes sans que le pouvoir n'intervienne et fasse réprimer la mobilisation ».
C’est en réponse à cette « répression de la mobilisation » que des étudiants ont décidé jeudi soir d’occuper le campus de la rue Saint-Guillaume. Une cinquantaine d’entre eux y auraient passé la nuit et une trentaine d’entre eux seraient encore présents ce vendredi matin dans les locaux. Certains d’entre eux sont d’ailleurs derrière les balustrades des fenêtres. Avec leurs camarades qui les ont rejoints devant la porte d’entrée principale, bloquée par des poubelles, des palettes et même un Velib, ils alternent chants en soutien à la Palestine et minutes de silence pour les victimes de Gaza, en faisant le V de la victoire.
Le député LFI Thomas Portes est venu leur apporter son soutien.
« Merci, continuez et nous serons à vos côtés à chaque fois qu'il y a des mobilisations», leur a-t-il lancé , avant de leur délivrer un message de Jean-Luc Mélenchon : « Vous êtes à cet instant, pour nous, l'honneur de notre pays, l'image la plus forte que nous puissions donner du fait que les Français n'acceptent pas, ne se résignent pas, ne laissent pas faire sans agir, l'odieux, l'abominable massacre, le terrible génocide à Gaza ».
Quelques heures plus tard, en début d’après-midi, c’est Rima Hassan, candidate LFI aux élections européennes qui est venue les encourager.
« On a nos revendications et on ne compte pas s’arrêter, explique Maxime, étudiant en master à Sciences Po. Si Sciences-Po veut appeler la police, si le gouvernement veut amener la police, ils se taperont la honte devant le monde entier pour une répression de jeunes étudiants qui cherchent juste à dénoncer une politique honteuse d'un gouvernement génocidaire qui a tué aujourd'hui plus de 30 000 personnes, dont plus de 10 000 enfants ».
De son côté, l’étudiante de première année, reconnaît que "le blocage, c'est pas forcément agréable pour ceux qui veulent venir en cours, pour ceux qui ont des projets qui devaient se tenir, mais on le fait parce que c'est vraiment le seul moyen qui nous reste, la seule carte à jouer pour espérer faire pression sur l'administration et qu'elle puisse répondre à ses responsabilités ».