Contrairement à l'Angleterre et à l’Allemagne, pourquoi la France ne permet-elle pas aux joueurs musulmans de rompre leur jeûne pendant les matchs ?
Cette question est apparue dans l'actualité suite à l'envoi, jeudi dernier, d'un rappel au règlement aux arbitres. Selon la Fédération Française de Football, les interruptions de match liées à la rupture du jeûne en soirée ne sont pas en accord avec les dispositions de ses statuts.
Eric Borghini, président de la Commission fédérale des arbitres s’est justifié auprès de l'AFP à ce propos d’une manière surprenante: "L'idée est qu'il y a un temps pour tout. Un temps pour faire du sport, un temps pour pratiquer sa religion".
Pour ce membre du comité exécutif de la FFF, il s'agit simplement de "l'application scrupuleuse de l'article premier des statuts de la fédération sur le respect exigeant du principe de laïcité dans le football".
Mais ce week-end, quelques jours après l'annonce de la 3F, le débat autour de cette interdiction des interruptions de match a suscité en Ligue 1 des discussions rares, voire inexistantes, dans les autres championnats européens.
Le Collectif Ultras Paris a déployé une banderole dimanche au Parc des Princes portant le message "une datte, un verre d'eau, le cauchemar de la FFF" envers la Fédération française de football. Cette banderole cinglante souligne la position ferme de la FFF sur le ramadan, qui contraste avec l'attitude plus conciliante adoptée par les pays voisins.
Les Anglais “sont plus ouverts que nous”
Lucas Digne, le défenseur français d'Aston Villa, a exprimé sa frustration sur les réseaux sociaux en déclarant : "En 2023, nous sommes autorisés à interrompre un match pendant 20 minutes pour prendre des décisions, mais pas une minute pour boire de l'eau". Cette frustration vient du fait qu'en Angleterre, les pauses sont autorisées pendant les matchs de football pour permettre aux joueurs musulmans de rompre leur jeûne pendant le mois de ramadan.
Ces derniers jours, une nouveauté a vu le jour dans le Championnat néerlandais où, pour la première fois, des pauses ont été accordées pour la rupture du jeûne. En Allemagne, l'année dernière, le patron des arbitres de la Fédération avait publiquement exprimé son soutien envers les arbitres qui décidaient d'autoriser ce genre de pause.
Le Sénégalais Moussa Niakhaté avait notamment profité de la bonté de l’arbitre Matthias Jollenbeck la saison dernière lors de la rencontre entre le FC Augsburg et son club, le 1. FSV Mayence 05.
Cependant, en Italie et en Espagne, rien n'a été prévu concernant ce sujet, bien que le débat n'ait pas encore été initié. Durant un match samedi soir, le joueur marocain Sofyan Amrabat, évoluant à la Fiorentina, a saisi l'occasion d'une interruption de jeu pour se nourrir.
En Premier League, l'usage des pauses existe depuis deux ans, sous l'impulsion du Français Wesley Fofana et du Sénégalais Cheikhou Kouyaté, joueurs de Leicester et Crystal Palace à l'époque, qui ont pris le temps de se restaurer en plein match.
"Je suis né en France et j'y ai travaillé, mais il y a une grande différence entre la France et l'Angleterre. Les Anglais montrent le bon exemple", a estimé Abdoulaye Doucouré, milieu malien d'Everton, à la BBC.
Outre-Manche, "on sait qu'ils sont plus ouverts que nous sur le sujet et ça l'a toujours été. Ce serait bien que la France le fasse mais ça ne pose de souci à personne qu'ils ne le fassent pas", a commenté vendredi Didier Digard, l'entraîneur de Nice.
Des regards différents selon les clubs
Selon les propos de Digard, qui est l'entraîneur d'une équipe de football avec de nombreux joueurs pratiquant le ramadan, la seule précaution à prendre concerne l'état physique des joueurs qui pourraient être affectés par la période de jeûne. "Nous les accompagnons du mieux possible", a-t-il expliqué, "nous avons un pôle performance de grande qualité qui les suit pour l'alimentation et l'hydratation".
Au FC Rouen, qui est actuellement en tête de son groupe en National 2 (équivalent de la 4e division), dix joueurs pratiquent le ramadan et l'entraîneur Maxime D'Ornano raconte que cela ne pose pas de problème pour eux. "Les joueurs sont habitués à jeûner depuis de longues années donc ce n'est pas un problème pour eux", explique-t-il à l'AFP. Cependant, il est vigilant et prend soin de ne pas épuiser les joueurs concernés durant cette période.
Quant à Nantes, les joueurs musulmans sont autorisés à ne pas participer aux repas en commun et à la deuxième séance d'entraînement, les jours où deux séances sont programmées. "Nous les soutenons et nous les écoutons", affirme l'entraîneur Antoine Kombouaré.
Cependant, Kombouaré précise qu'il ne permet pas à ses joueurs de jeûner le jour d'un match car il y a beaucoup d'intensité et qu'ils doivent être prêts physiquement. Pour cette raison, il n'a pas convoqué Jaouen Hadjam pour le match contre Reims afin d'éviter toute blessure.