Que deviendra la bande de Gaza, une fois que la guerre sera terminée ? Les États-Unis, principal allié d’Israël dans la guerre contre les Palestiniens, y pensent déjà.
Mercredi, Antony Blinken s’est publiquement exprimé sur le sujet devant la commission des finances du Sénat américain. Il a soutenu qu’une Autorité palestinienne “revitalisée” pourrait reprendre le contrôle de Gaza si Israël atteint son objectif de renverser le Hamas, précisant que les partenaires régionaux et les agences internationales pourraient éventuellement jouer un rôle intermédiaire.
“À un certain point, ce qui aurait le plus de sens, ce serait qu’une Autorité palestinienne efficace et revitalisée reprenne la gouvernance et, finalement, la responsabilité sécuritaire à Gaza”, a déclaré Blinken devant les sénateurs. En Israël même, cette option a les faveurs du chef de l’opposition, le centriste Yaïr Lapid.
“Les États-Unis veulent choisir leurs interlocuteurs. Plutôt que de parler au Hamas, ils voudraient parler avec l’Autorité palestinienne, en la légitimant un peu plus, après avoir contribué à sa fragilisation”, explique Mohammed MBodj , professeur d’histoire à Manhatanville, aux États-Unis.
Le choix d’une Autorité palestinienne, même “revitalisée” au goût d’Antony Blinken, pose de nombreux défis.
“ Quelle sera la légitimité de cette Autorité palestinienne à Gaza alors que le Hamas avait été largement plébiscité, ça c’est la première chose, tempère Mohammed Mbodj. Deuxièmement, cette Autorité palestinienne n’a pas de moyens pour afficher sa politique et représente l’idéal international de ce qui serait possible en Palestine. Ensuite, on lui reproche de penser moins aux préoccupations des Palestiniens que de chercher à s'affirmer à l’extérieur. À cela, il faut ajouter les accusations avérées de corruption. ”
Attelage complexe et inédit
Le sujet est complexe, les Américains cherchent visiblement à concilier leurs intérêts dans la région, la sécurité d’Israël, l’élimination du Hamas et l’instauration de la stabilité à Gaza. Entre les mots transparait l’idée de la mise sous tutelle de Gaza sous un attelage inédit.
“Savoir si on peut y arriver en une seule fois est la grande question que nous devons examiner. Et si ce n’est pas possible, il y a alors d’autres arrangements temporaires qui pourraient impliquer un certain nombre d’autres pays de la région”, a suggéré Blinken. “Cela pourrait impliquer des agences internationales qui pourraient aider à assurer la sécurité et la gouvernance.”
Toujours est-il qu’Antony Blinken est arrivé ce vendredi en Israël. “Il y rencontrera des responsables du gouvernement israélien et il fera d’autres étapes dans la région”, a indiqué à des journalistes le porte-parole du département d’État Matthew Miller avant ce voyage, sans préciser lesquelles.
Sa tournée le conduira donc dans d’autres pays du Moyen-Orient qui n’ont pas été précisés. Est-ce pour vendre son idée “ d’arrangements temporaires” avec “des agences internationales qui pourraient aider à assurer la sécurité et la gouvernance”? Dans cette perspective, il faudra la pleine coopération des pays leaders du monde arabe et l’assentiment de l’Autorité palestinienne.
Dans la réalité, les relations entre Israël et les pays de la région ne cessent de se détériorer depuis le pilonnage des civils dans l’enclave de Gaza. Le parlement de Bahreïn vient de voter le rappel de son ambassadeur à Tel Aviv, alors que la Jordanie, le premier pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël en 1994 a rappelé son ambassadeur.
D’après Jérusalem Times, “l’Autorité palestinienne a indiqué que la perspective de revenir à Gaza ne l’intéressait pas – à moins que ce retour n’entre dans le cadre d’une initiative diplomatique qui unirait l’enclave à la Cisjordanie et qui redonnerait vie au processus de paix avec Israël.”
Pour sa part, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu essaye de dissiper toute idée de discussion d'une quelconque stratégie “du lendemain à Gaza” pour se focaliser sur la nécessité d’en finir avec le Hamas.
“Toute prétendue discussion sur le fait de confier la bande de Gaza à l’Autorité palestinienne ou à une autre partie est un mensonge “, a insisté Netanyahu dans un communiqué de son bureau, le 20 octobre.
La guerre entre Israël et les Palestiniens est à son 28e jour ce vendredi. Le ministère palestinien de la Santé à Gaza déplore la mort d’au moins 9 000 personnes tandis qu’Israël fait état du décès de 1 400 personnes.