Porté aux nues ou détesté, Emmanuel Macron, arrivé dimanche en tête du premier tour de l'élection présidentielle française selon les premières estimations, à la fois séducteur et brutal, a traversé un mandat tumultueux avec un art consommé de l'adaptation et en pratiquant un exercice vertical du pouvoir.
D'après trois estimations de différents instituts dimanche soir, le président sortant arrive en tête avec des scores entre 28,6 et 29,7%, devant la candidate d'extrême droite Marine Le Pen.
Le mandat d'Emmanuel Macron, marqué par l'exceptionnelle crise sanitaire internationale du Covid, s'achève dans le fracas de la guerre en Ukraine, qui a totalement relégué la campagne présidentielle à l'arrière-plan.
Très impliqué diplomatiquement avant même le début de la guerre le 24 février, le président français - également président en exercice de l'UE - s'est positionné en surplomb de ses concurrents et n'a annoncé sa candidature que très tardivement, le 3 mars. Une posture avantageuse, confortant sa stature de chef d'Etat, mais qui était également risquée, car pouvant le faire apparaître comme éloigné des préoccupations quotidiennes des Français.
"Le président caméléon", comme l'a qualifié le quotidien Le Monde, reste après cinq ans de pouvoir une personnalité toujours difficile à cerner.
Plus jeune président que la France aie jamais eu, l'ancien ministre de l'Economie de l'ex-président socialiste François Hollande, qui n'avait jamais été élu auparavant, a été propulsé au sommet en 2017 à seulement 39 ans, en utilisant avec maestria son image d'outsider ni de droite ni de gauche, et en surfant sur le délitement des partis traditionnels.
Il avait été élu avec 66% des suffrages, dans un contexte d'abstention record, face à Marine Le Pen.
Un match qui se rejouera donc le 24 avril.
Coups de poker
Entouré d'une cour fidèle de trentenaires passés par la publicité, les cabinets de consultants ou la haute administration, M. Macron, énarque pur produit du système, ex-banquier d'affaires chez Rothschild, a constamment montré une volonté de surprendre, quitte à choquer.
Prêt à des réflexes claniques, comme lorsqu'il refuse en 2018 de licencier son homme de confiance Alexandre Benalla, dont la presse révélera l'implication dans toute une série d'affaires douteuses - et qui sera d'ailleur s condamné en 2021 à de la prison ferme.
Auteur de coups de poker, quand il lance "un grand débat" national avec les Français après la révolte des "Gilets jaunes", mouvement de contestation sociale qui a gravement ébranlé son quinquennat en 2018 et 2019 avant de s'étioler - mais sans jamais être véritablement réglé.
Il a également pris des paris risqués, notamment celui de refuser en pleine pandémie un nouveau confinement réclamé par experts et ministres en janvier 2021, mais cette décision sera au final portée à son crédit. Il termine son mandat plus populaire que ne l'étaient à la même période ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy.
S'il suscite quasiment l'adoration parmi son premier cercle, M. Macron est aussi un des présidents qui a déclenché le plus de "haine", selon les journalistes Nicolas Domenach et Maurice Szafran, auteurs du livre "Macron, pourquoi tant de haine?". "Je n'avais jamais vu des manifestations où des enfants traînent des guillotines sous les applaudissements de la foule", s'étonnait le mois dernier sur France 5 M. Domenach, en se remémorant des manifestations de "Gilets jaunes".
Le chef de l'Etat, pourtant venu de la gauche, s'est vu très tôt qualifié de "président des riches" et des élites urbanisées.
Les deux décisions parallèles de son début de mandat, suppression de l'impôt sur la fortune et baisse des aides au logement, ont "imprimé une marque terrible", selon M. Domenach.
Pro-européen
Sa proximité et son large recours aux cabinets de consultants, pointés par un récent rapport du Sénat, ont encore écorné son image en fin de mandat.
S'y ajoute une série de petites phrases lâchées au cours du quinquennat et ressenties comme méprisantes ou arrogantes, sur les chômeurs qui n'ont "qu'à traverser la rue" pour trouver du travail, les gens "qui ne sont rien" ou les "fainéants" réfractaires à toute réforme.
Fin 2021, M. Macron a assuré lors d'un entretien télévisé avoir "acquis beaucoup plus de respect pour chacun" et reconnu avoir pu "blesser" des gens.
Avant de lancer quelques semaines plus tard qu'il avait "très envie d'emmerder les non-vaccinés"... Une phrase qui n'a finalement pas tant choqué les Français, vaccinés à 90% et qui, après des débuts difficiles, louent plutôt la gestion de la crise du Covid-19 par le président.
Délaissant ses habits de réformiste libéral, le président a en effet opté pour des aides sociales et économiques massives pendant la pandémie.
Selon l'exécutif, cette politique dite du "quoi qu'il en coûte", couplée aux réformes structurelles engagées en cours de mandat, a porté ses fruits, puisque l'activité économique a nettement rebondi en France en 2021, avec une croissance de 7%.
Mouvant sur certains terrains idéologiques, M. Macron ne s'est en revanche jamais départi d'un solide credo pro-européen.
Enfin sa vie privée, romanesque et inédite, exerce une certaine fascination.
Le jeune Emmanuel Macron, né en 1977 à Amiens (nord) dans une famille de médecins, a rencontré sa future épouse, Brigitte, au lycée. Il avait 16 ans et elle était sa professeure de théâtre, de 24 ans son aînée, mariée et mère de trois enfants. Ils se sont mariés en 2007 et forment, selon les mots de la Première dame, un "couple fusionnel".