La diaspora en France regorge de talents qui ont, pourtant, peu l’occasion d'être réellement mis en avant. Le salon du monde arabo-amazigh qui s’est tenu le week end dernier a permis d’offrir une tribune à ces talents issus de l’immigration.
Tout au long du week-end, les 11 et 12 mai, les visiteurs ont pu assister à plusieurs conférences et master classes mettant en avant, entre autres, l’impact et la place des Français issus de l’immigration dans divers secteurs; comme la médecine, la cosmétologie, l’économie, le droit, les médias, le leadership féminin, la culture, l’entreprenariat, l’influence …L’occasion pour les organisateurs de donner la parole à des intervenants expérimentés et talentueux, souvent placés au second rang ou peu mis en lumière par les médias traditionnels ou dans la société en général.
''L’idée de ce salon est venue du constat qu'il n'y avait pas d'espace pour les diasporas arabes et amazighes qui les célèbrent sous le prisme notamment de la culture et de l'économie, là où ça peut être le cas pour d'autres diasporas. Et comme je me suis retrouvée à organiser beaucoup d'événements pour différentes diasporas sur ces thématiques, c'est un peu comme ça que je me suis dit, ‘’tiens’’. Ça a fait écho le fait de ne pas nous voir aussi dans certains de ces espaces. Je me suis demandé pourquoi est-ce qu'on n'est pas là, pourquoi est-ce qu'on n'est pas invités. Et le dernier point c'était aussi de se dire, c'est peut-être à nous de le créer", explique l’organisatrice de l’évènement, Rajaa Moussadik.
Diplômée de sciences Pô Paris, Rajaa Moussadik, a réussi, à force de travail et de persévérance, à se créer une place de choix dans le monde de l’entreprenariat. Après avoir évolué dans le label musical Wati B, pendant plusieurs années, cette française d’origine maghrébine a co-fondé SMILE, la première agence de Markéting d’influence. Très ancrée dans l’univers du sport, la licenciée FFF (Fédération Française de Football) accompagne également, en tant qu’agent, des sportifs de haut niveau dans le monde du football. Une expérience riche et inspirante qu’elle n’hésite pas à partager et transmettre, tout comme sa passion pour l’histoire et le patrimoine culturel arabo-amazigh. En deux mois, accompagnée d’une équipe d’une trentaine de personnes, l’entrepreneure a pu mettre en place ce premier salon mondial arabo-amazigh.
''L'objectif de ce salon est triple. Le premier c'est d'honorer les générations qui nous ont précédés. Ensuite, c'est de faire passer un message aux générations qui arrivent et de leur permettre de visualiser des rôles-modèles et surtout de célébrer le patrimoine culturel dont ils sont dotés. Et enfin, c'est d'inviter tous ceux qui sont curieux d'en savoir un petit peu plus sur les diasporas arabe et amazigh, d'aller au-delà du message médiatique qui concentre la communication autour des diasporas arabes et amazighes sous un prisme politique, sous le fait divers, sous le fait migratoire ou le fait religieux”.
Un espace de diversité, d’échange et de culture
Pour cet événement inédit, Rajaa Moussadik a fait appel à des pointures. Les fondateurs de plusieurs médias digitaux, mettant en exergue les cultures arabe, maghrébine ou méditerranéenne, ont répondu présents pour partager leur expertise lors d’une conférence dédiée à la représentativité des identités dans les médias. Parmi eux, le premier présentateur d’origine maghrébine du JT en France, Rachid Arhab. Le journaliste, co-fondateur du média digital Liik, a ainsi, répondu à TRT français au sujet de l’évolution de la diversité dans les médias.
''Il y a une évolution qui n’est pas toujours très visible. Elle est encore difficile à quantifier, elle se fait sur la longue durée, par des médias nouveaux. Mais il y a une évolution forcément dans le bon sens. Les jeunes d'origine maghrébine qui ont envie de faire de l’audiovisuel, il y en a peut-être plus qu’à l'époque où j'étais journaliste à la télévision, donc il y a une évidence. Après je ne veux pas tout repeindre en rose, je sais que c'est compliqué. Mais aujourd’hui, il y a une telle diversité d'offres médiatiques que quand on a vraiment ce sentiment qu'on est fait pour ces métiers-là, je pense qu’avec du boulot et de la constance on y arrive'', explique Rachid Arhab.
Lors d’une master classe consacrée à la valorisation du patrimoine culturel par la musique, la rappeuse française d’origine maroco- égyptienne Nayra, la manageuse d’artistes Anissa Jalab, la chanteuse Lyna Mahyem et le rappeur Médine ont pris la parole. Les quatre intervenants ont dans ce sens raconté leur parcours, leur rapport à leurs origines et l’impact de cette double culture sur leur métier. Une occasion aussi pour Médine de faire un clin d’œil à la cause palestinienne, en dévoilant son tee-shirt sur lequel est inscrit au dos ''Palestine'' et en proclamant ''Tahia Felestin'' (Vive la Palestine, ndlr).
La Palestine et le génocide à Gaza ont également été évoqués lors de la master classe réunissant des créateurs de contenu : Fahd El et Maroua ''The Doll beauty'' mais aussi l’humoriste et acteur Just Riadh ont souligné l’importance, pour eux, de partager avec leurs abonnés leurs convictions religieuses et les valeurs auxquelles ils croient.
Just Riadh fait ainsi partie de ces artistes qui ont décidé de ne pas se taire et qui passent à l’action. Né à Sidi Bel Abbes en Algérie, l’artiste aux 5 millions d’abonnés sur Instagram qui se distingue aussi comme créateur de contenu a notamment raconté son implication avec la Love Army (NDLR projet humanitaire) au Bangladesh en 2018, pour venir en aide aux populations Rohingyas ainsi que son engagement envers de nombreuses causes. ''J’ai envie de défendre tous les gens qui sont opprimés, que ce soit les Palestiniens et ce qu’ils subissent aujourd’hui, les gens en France qui sont en détresse dont les musulmans et les gens qui subissent du racisme, de la discrimination sans oublier des pays comme le Congo, en Afrique, il y a tellement de tristesse dans le monde aujourd'hui. Défendre ses valeurs, sa culture, je trouve que c’est important, c’est primordial. Mais il ne faut pas demander à tout le monde de s’engager, il ne faut pas parler pour rien ou brasser du vent. Les personnes qui ont la capacité de passer des messages et se faire comprendre par le grand public peuvent le faire. Pour ceux qui ont une grande visibilité et pour qui ça ne fait pas sens de parler, peuvent le faire différemment comme relayer des messages d’autres personnes. ''
Ne pas rester silencieux face au génocide à Gaza
À l’heure où le mouvement blockout 2024 prend de l’ampleur sur la toile, appelant à boycotter les celebrités et influenceurs qui ''s’enrichissent sur le dos de leurs abonnés'' ou sont restés silencieux face au génocide en Palestine, Just Riadh, Fahd El et Maroua, alias The Doll Beauty, ont eux décidé de ''rester en phase avec leurs valeurs''. D’ailleurs, depuis ses débuts, la créatrice de contenu franco-algérienne n’a pas peur de défendre les causes qui lui tiennent à cœur et dénoncer, par exemple, ''l’injustice en Palestine''. ''Je n’ai pas perdu de followers parce que j'ai toujours été en phase avec cette cause et j'ai toujours essayé de parler autant que je le pouvais de ce qui se passait là-bas mais oui on va pas se mentir, j'ai perdu beaucoup d'argent volontairement et involontairement. J'ai refusé beaucoup de collaborations parce que ça n’était pas en phase avec mes valeurs.J’essaie de ne pas associer mon nom à des marques appartenant à des groupes qui financent un génocide. Ce n’est pas évident à faire parce que tout est régi par un certain lobby.''
C’est ce même message que tente de transmettre Mimi Boumboum, habillée, pour l’occasion, aux couleurs de Palestine. La militante engagée dans des missions humanitaires, à travers le monde, a assisté à plusieurs conférences.
''Je pense que ce salon a un réel impact d’unicité. Beaucoup d'intervenants ont été porteurs de messages humanistes particulièrement sur la Palestine.‘’
Les visiteurs ont également pu découvrir une soixantaine de stands destinés aux créations, produits et spécialités mode et gastronomique originaires du Maghreb et d’ailleurs, proposés par les différents exposants.
Par ailleurs, le salon du monde arabo-amazigh a enregistré plus de 10 000 visiteurs, pour sa première parisienne. Un véritable succès que Rajaa Moussadik espère voir ''s’inscrire sur le long terme''.
''Il est important de créer des espaces comme celui-ci et que ce type d'initiatives existe, pour qu'on se rende compte de la force du nombre qu'on représente. Je crois que l'addition de plein d'actions positives participeront à créer un changement positif et impactant dans la narrative qui est faite aujourd'hui et dans laquelle on ne se reconnaît pas. Et je crois en l'effet papillon. C'est un battement d'ailes de papillon. ''