La jeune fille de 18 ans a été présentée à un juge en comparution immédiate ce mercredi. Elle est placée sous contrôle judiciaire et ne doit pas se présenter à son lycée, elle sera jugée le 11 décembre prochain. Elle avait été interpellée à son domicile, et placée en garde à vue dès lundi soir, la professeur concernée ayant porté plainte.
Selon les premiers éléments rapportés par la police, alors que l'élève du lycée de sciences techniques médico-sociales du lycée Sévigné de Tourcoing (Nord) remettait son voile, qu’elle avait précédemment retiré, et se dirigeait vers la sortie du lycée, une enseignante lui demande de le retirer puisqu’elle est encore à l’intérieur de l’établissement. Le ton monte entre les deux femmes, l’élève insulte la prof, celle-ci s’oppose à la sortie de l’élève pour obtenir son identité, la jeune fille répond par une gifle, des coups sont alors échangés de part et d’autre.
Le lycée est resté fermé mardi à la suite de cet incident. Une plainte a été déposée et l’élève se voit interdire l’accès au lycée jusqu’à son conseil de discipline.
Les politiques parlent d’atteinte à la laïcité
Sans surprise, les politiques se sont emparés de l’affaire et ont unanimement pris la défense de l’enseignante. La ministre de l’Éducation nationale Anne Genetet a apporté son soutien à la professeure et a demandé à ce que des sanctions disciplinaires très fermes soient prononcées compte tenu de la gravité des faits. L’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, député du Nord dans cette circonscription, a forcément salué une professeure qui faisait respecter la laïcité : “Tout le monde doit soutenir nos enseignants et condamner cette violence contre la République elle-même”, a-t-il écrit sur X.
Ce fait divers mêle en fait manque de respect d’une élève envers sa prof et zèle inutile de l’enseignante face à une jeune fille en train de quitter son lycée. Il illustre aussi les tensions que crée une loi censée défendre la laïcité mais qui transforme les professeurs en gendarmes, en rendant le dialogue difficile, voire impossible, sur le port du voile.
20 ans d’interdiction et 20 ans de tensions
Il faut rappeler que la France fait figure d’exception, dans de nombreux parmi les pays occidentaux où le port du voile à l’école ne pose aucun problème. Malgré cette loi française qui existe depuis 20 ans, de plus en plus de jeunes filles adoptent le voile même si elles restent une minorité dans la communauté musulmane. Mais, surtout l’interdiction du voile à l’école puis dans les entreprises au nom du principe de neutralité cristallise un sentiment de discrimination chez les uns et peurs et amalgames chez les autres.
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Haoues Seniguer, politologue français faisait ainsi le bilan des vingt ans de la loi sur le port du voile pour le journal La Croix en mars 2024: “Collectivement, nous sommes prisonniers d’un cercle vicieux dont nous ne voyons pas comment on pourrait sortir à moyen terme : plus le discours laïque se durcit, souvent au mépris de l’esprit libéral qui a présidé à la loi de 1905, nourri à jets continus par la droite dure, l’extrême droite et une certaine gauche, et plus les musulman-e-s, observant-e-s ou non, se crispent, à tort ou à raison.”
Et si le sujet concernait plus les politiques de droite en mal de popularité que les élèves eux-mêmes. Selon un sondage de l’institut Ifop en 2021, 52% des lycéens et 50% des collégiens sont favorables au port de signes religieux, kipa, voile, croix ou autre, au sein des établissements scolaires. Ils sont 43% à penser que les lois de 2004 contre les signes religieux à l'école et de 2010 prohibant le voile intégral dans l'espace public sont "discriminatoires".