Le décès de la souveraine âgée de 96 ans, à l'immense popularité, a déclenché une forte vague d'émotion qui a suscité des hommages d'une rare unanimité incluant les républicains nord-irlandais ou les indépendantistes écossais.
Elle a aussi réveillé quelques voix discordantes de la part du mouvement républicain, très peu actif dans le pays où la monarchie faisait peu débat sous le règne de la reine Elizabeth, figure d'unité au long des décennies qui était parvenue à garder une neutralité irréprochable.
Avant l'arrivée du cercueil d'Elizabeth II à Édimbourg dimanche, la police écossaise a arrêté pour atteinte à l'ordre public, sous les applaudissements, une femme qui tenait une pancarte "Abolition de la monarchie".
Lors de la procession funèbre traversant lundi la capitale écossaise, une vidéo a circulé montrant un homme criant "vieux malade!" au prince Andrew, qui a payé des millions aux Etats-Unis pour éviter un procès pour agressions sexuelles, avant d'être violemment retiré de la foule par des agents.
A Oxford, dans le centre de l'Angleterre, un militant pacifiste de 45 ans a été brièvement interpellé après avoir crié "Qui l'a élu?" lors d'une proclamation en public du nouveau roi.
L'organisation de défense des libertés individuelles Big Brother Watch a dénoncé "un affront à la démocratie", estimant que "le droit à la liberté d'expression est le fondement de la démocratie britannique".
Des élus de l'opposition travailliste se sont joints aux critiques et même Downing Street a rappelé que "le droit fondamental de manifester reste une clé de voûte de la démocratie".
Payé "pour faire quoi?"
Lundi, alors que le roi Charles III se rendait au Parlement de Londres recevoir les condoléances des deux chambres, deux manifestants, un homme et une femme, ont brandi des papiers indiquant "Pas mon roi", "Abolition de la monarchie" et "Fin du féodalisme", sur le trottoir en face du palais de Westminster.
Le femme s'est ensuite approchée des grilles du Parlement, puis des agents de police l'ont raccompagnée à distance dans le calme, selon des images diffusées sur Twitter par le journal Evening Standard qui ont été repartagées des milliers de fois.
"Le public a absolument le droit de manifester, nous l'avons clairement fait savoir à tous les agents impliqués dans l'opération de police extraordinaire actuellement en place et nous continuerons à le faire", a réagi la Metropolitan Police, pour qui encadrer les funérailles d'Elizabeth II constitue une opération de maintien de l'ordre sans précédent.
Selon un sondage publié à l'occasion des 70 ans de règne en juin par l'institut YouGov, 62% des Britanniques pensent que le pays doit rester une monarchie, seuls 22% estimant qu'il faudrait un chef d'Etat élu.
Le soutien à la monarchie est cependant plus faible chez les jeunes et Charles est bien moins populaire que sa mère.
"Le Parlement accueille Charles Windsor en tant que nouveau chef d'État dans ce pays sans que le peuple ait son mot à dire", a expliqué à l'AFP la manifestante encadrée par la police dans la vidéo virale.
Elle a dénoncé ses revenus de plusieurs millions de livres: "Pour quoi? Saluer et serrer des mains?"
Le coût de la monarchie britannique fait partie des principaux sujets de critiques dans la presse britannique, même si ces dernières restent peu virulentes. Et que certains relèvent que la "marque Windsor" rapporte énormément au pays, par le tourisme notamment.
Lors de la cérémonie de proclamation, Charles III a confirmé vouloir continuer à reverser aux finances publiques les revenus tirés du patrimoine de la Couronne (terres, investissements etc.) en échange d'une allocation annuelle ("sovereign grant") fixée à 15% de ces revenus.
Cette somme représentait 86,3 millions de livres pour 2021-2022, soit 98 millions d'euros.
Dans un Royaume-Uni à fleur de peau --44% des Britanniques ont versé une larme selon YouGov-- les réactions sont parfois extrêmes. Un propriétaire d'un fish & chips écossais avait sabré le champagne à la mort de la souveraine et publié la vidéo en ligne. La vitrine de son échoppe a été brisée.