L’état d’urgence est maintenu, l’aéroport international de Nouméa sera fermé aux vols commerciaux jusqu'à jeudi prochain. Les magasins, approvisionnés grâce au pont aérien mis en place par Paris, commencent à rouvrir. Près de 700 gendarmes et policiers sont arrivés en renfort mais des barrages de milices ou d’émeutiers continuent à perturber la circulation. Des incendies ont encore été déclenchés la nuit dernière à Nouméa. Si la situation est plus calme, la tension est toujours palpable.
Aux appels au calme se mêlent désormais les appels au dialogue suite à la mort de six personnes en six jours d’émeutes. La maire de Nouméa, Sonia Lagarde, demande publiquement une pause dans le processus de réforme constitutionnelle et appelle à ne pas convoquer le Congrès qui doit voter cette réforme et la rendre effective. Pour l'instant, le Sénat et l’Assemblée ont voté séparément le texte.
Les politiques appellent à une pause dans la réforme
Une pause est nécessaire pour dialoguer, soutient-elle. Elle égratigne au passage Paris et les pro-réformes, coupables, selon elle, de n’avoir pas écouté ses appels à la prudence. L’élue est pourtant un soutien du gouvernement. L’heure est en effet au règlement de compte et Paris est montré du doigt par les Calédoniens et par les partis d’opposition français.
En déplacement au Sénégal, Jean-Luc Mélenchon, le président de La France insoumise a dénoncé un comportement néocolonial de Paris envers les Kanaks. “Président Macron, il est temps de faire les gestes qui apaisent”, a-t-il écrit sur son compte X. Son parti a voté non à la réforme constitutionnelle qui élargit le corps électoral.
Le gouvernement Macron pointé du doigt
Malgré le soutien apporté par les autres partis à cette réforme, le Rassemblement national, qui avait pourtant voté oui le 14 mai au dégel du corps électoral en Nouvelle Calédonie, découvre tout d’un coup la vertu du dialogue et appelle à une pause dans le processus de réforme constitutionnelle. Jordan Bardella, chef du parti et candidat aux élections européennes, estime qu’il est irresponsable d’engager le dégel du corps électoral avant les Jeux Olympiques”.
"Pourquoi avoir voulu passer en force?"
Valérie Hayer, la candidate Renaissance pour les européennes reste droite dans ses bottes et soutient la politique du gouvernement. Pour elle, l'urgence est le retour à l’ordre et au calme. François-Xavier Bellamy des Républicains est dans le même régistre, sur BFMTV dimanche soir il déclarait que la Calédonie, c’est la France ! Il y a eu trois référendums sur l’indépendance et les trois fois le oui l’a emporté, insiste t-il. Il oublie que le dernier référendum a été boycotté par les Kanaks car il s’est déroulé en plein Covid et que l’île était en période de deuil coutumier.
Raphaël Glucksmann, tête de liste PS pour les européennes, appelle à suspendre la réforme et à dialoguer avec toutes les parties. “Il y a un problème de méthode ici, on doit rétablir l'ordre mais cela doit s’accompagner d’un dialogue politique.(...), a-t-il déclaré sur BFM TV. Il dénonce la stratégie du gouvernement qui a voulu passer en force.
20 élus d’Outre mer demandent le retrait du texte
Tout le monde regrette les émeutes, appelle au calme mais pas de table ronde encore. L'invitation de Gabriel Attal à une discussion à Matignon n’a toujours pas été programmée. On parle d’une mission de dialogue mais avec qui et par qui ?
Une vingtaine d’élus d’Outre Mer, députés, sénateurs, et élus européens, présidents de région ont signé une tribune ce dimanche. Ils mettent en garde contre une réponse répressive qui peut engendrer une spirale de la violence.
Et surtout, ils demandent que le projet de réforme constitutionnel soit purement et simplement retiré, abandonné “comme préalable à une reprise du dialogue apaisé avec l’ensemble des parties prenantes en renouant avec l’esprit des accords de Nouméa.”.
“Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile », écrivent les signataires. Les élus sont issus de la Nouvelle-Calédonie, la Réunion, Saint-Barthélémy, la Guadeloupe et la Martinique, la Guyane.
Le gel du corps électoral a été décidé lors des accords de Nouméa en 1998, mais après les trois référendums sur l’indépendance où le Oui l’a emporté, les non-indépendantistes estiment qu’il est temps de “dégeler” ce corps électoral. Le gouvernement propose que tous ceux qui ont plus de 10 ans de résidence puissent voter.