Malgré les appels de plus en plus nombreux à céder le pouvoir et la menace d'une action militaire de la part des pays voisins d'Afrique de l'Ouest, le général Abdourahamane Tchiani s'affirme comme le nouveau dirigeant du Niger.
Tchiani, qui a mené le coup d'État du 26 juillet contre le président Mohamed Bazoum, a fait part de ses intentions en dévoilant un gouvernement de transition, nommant Ali Lamine Zeine au poste de premier ministre, avec un cabinet de 21 membres.
Tchiani, 62 ans, est originaire de la région de Tillaberi, à l'ouest du Niger, qui borde le Mali.
Issu de l'ethnie majoritaire des Haoussas, base traditionnelle de recrutement de l'armée, il a une carrière militaire qui s'étend sur près de 40 ans.
Tchiani a fréquenté des académies militaires en France, aux États-Unis, au Sénégal, au Maroc et au Mali, et a gravi les échelons sans liens politiques évidents.
Il a occupé plusieurs postes de commandement au Niger, tout en participant à des opérations de maintien de la paix des Nations unies en Côte d'Ivoire, dans la région du Darfour au Soudan et en République démocratique du Congo.
Il a également été attaché militaire à l'ambassade du Niger en Allemagne.
En 2011, il a été nommé chef de la garde présidentielle, une unité spéciale d'environ 2 000 soldats, par l'ancien président Mahamadou Issoufou, le prédécesseur de Bazoum.
Il a été promu au grade de général par Issoufou en 2018.
En mars 2021, alors que Bazoum était sur le point de prêter serment après une élection, Tchiani est crédité d'avoir dirigé l'unité qui a déjoué une tentative de coup d'État au Niger.
Origines de la discorde
Les raisons du coup d'État contre Bazoum font l'objet de nombreuses spéculations.
Certains rapports affirment que Tchiani est passé à l’acte après avoir appris qu’il était sur le point d'être licencié, tandis que d'autres prétendent qu'il y avait des griefs au sein de l'armée.
Freddie David Egesa, analyste en sécurité basé à Kampala, capitale de l'Ouganda, pense que Tchiani a été "encouragé par le succès des coups d'État militaires au Mali, au Burkina Faso et en Guinée voisins à renverser la personne qu'il était censé protéger".
Bien que l'on ne sache pas exactement dans quelle mesure les putschistes sont soutenus par le reste des forces de sécurité, la junte aurait bénéficié de la montée du sentiment anti-français chez les jeunes Nigériens, ajoute-t-il.
"Les manifestations régulières des partisans du coup d'État dans la capitale Niamey ont donné l'image d'une acceptation du coup d'État, ce qui est important pour renforcer la junte", a-t-il fait remarquer.
Pour justifier le coup d'État, les militaires ont reproché à Bazoum de ne pas avoir répondu aux problèmes de sécurité dans certaines régions du pays, Tchiani affirmant que le Niger devait changer de cap pour éviter une "disparition progressive et inévitable".
Cependant, Egesa a souligné que Tchiani lui-même aura besoin d'un dispositif de sécurité efficace, d'autant plus que le Niger reste vulnérable à la menace du terrorisme dans le Sahel.
Une pression croissante
Les dirigeants de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont ordonné l'activation de la force d'intervention de l'Union, signalant qu'une éventuelle réponse militaire reste à l'ordre du jour.
Le Nigeria, la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Bénin se sont engagés à envoyer des troupes, tandis que le Niger bénéficie du soutien du Mali et du Burkina Faso, préparant ainsi le terrain pour ce qui pourrait devenir un conflit régional de plus grande ampleur.
La France et les États-Unis soutiennent la CEDEAO, le secrétaire d'État Antony Blinken a déclaré que Washington était "profondément préoccupé" par la sécurité et le bien-être de Bazoum et de sa famille.
Premier signe de résistance interne au coup d'État, Rhissa Ag Boula, un ancien rebelle touareg, a lancé le Conseil de la résistance dans le but de rétablir Bazoum et de contribuer à "la restauration de l'ordre constitutionnel".
Dans une déclaration ferme du 8 août, M. Boula, ancien ministre influent, a averti que le Conseil utiliserait tous les moyens nécessaires contre "les soldats malhonnêtes et irresponsables".
Boula a appelé les soldats à "respecter leur serment... à mettre fin à la mutinerie et à procéder, sans délai, à l'arrestation du général Tchiani".
Egesa, analyste à Kampala, a déclaré qu'il n'était pas certain que Tchiani puisse résister à la pression régionale et internationale.
"Mais le fait qu'il ait nommé un gouvernement de transition est compréhensible. Il veut s'accrocher à une longue transition politique comme les juntes au Mali et au Burkina Faso", a-t-il souligné.
Pour Raphael Nkaka, expert en gouvernance à Kigali, la capitale du Rwanda, le plus grand défi pour Tchiani pourrait être la gestion même du pays.
Selon lui, le général pourrait éprouver des difficultés à travailler avec les dirigeants civils ou à gérer les questions politiques et diplomatiques.
"Il a passé une grande partie de sa carrière comme un soldat typique déployé pour des tâches militaires spécifiques. S'occuper des questions politiques, économiques et de gouvernance est une autre affaire", a déclaré M. Nkaka.
