Quand le président Emmanuel Macron parlait de "la fin de l’abondance" cet été, personne ne se doutait que l’année 2022 serait celle des pénuries. Pour cause : la période post-Covid, la guerre en Ukraine qui a eu des répercussions sur la provision de certaines matières premières et des sanctions européennes contre la Russie, les canicules et les sécheresses qui ont durablement frappé l’agriculture, la fermeture des usines de productions en Chine dans le cadre de la politique Zéro Covid, le sur-stockage des consommateurs apeurés, les revendications salariales... tant d’éléments qui ont eu des conséquences sur l’approvisionnement de biens et le bon fonctionnement de certains secteurs.
Un automne marqué par la pénurie de carburant
Alors que les Français se préparaient psychologiquement à manquer de gaz en hiver, c’est finalement la pénurie de carburant qui a bouleversé leur quotidien. Le mois d’octobre a été marqué par les grèves des salariés des raffineries de Total et d’Esso, lesquels réclamaient une augmentation salariale. Limitation d’achat, priorité aux personnels soignants, ruée vers les pays frontaliers, queues interminables, la situation à la pompe a été bloquée pendant quelques semaines.
Le gouvernement a dû réquisitionner le personnel des raffineries pour tenter de régler la situation qui s’est finalement apaisée grâce à des négociations salariales.
Une licence et un casier judiciaire vierge suffisent pour être enseignant
Cette année, plus de 4000 postes n'ont pas été pourvus aux concours enseignants. Pour pallier le manque d’enseignant et en recruter, l’Éducation nationale a organisé des "jobs dating".
Pour postuler, il n’était nullement nécessaire d'avoir réussi le concours, une licence et un casier judiciaire vierge suffisaient.
Une journaliste chez BFMTV, qui n’a ni passé de concours et ni d’expérience dans le domaine a testé la procédure : après un entretien d’une demi-heure, elle a été acceptée pour devenir professeure des écoles à la rentrée. Une expérience qui en dit long sur le recrutement et les critères de l’Éducation nationale…
"De toute évidence, on ne cherche pas à recruter des enseignants mais des personnes qui garderont les enfants", avait d’ailleurs dénoncé pour BFMTV.com Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du Snuipp-FSU.
Des aliments en rupture de stock
Ce printemps, faire ses courses a connu des troubles. Plusieurs produits comme l’huile de tournesol ou encore la moutarde ont été difficilement accessibles en raison de la guerre en Ukraine et du sur-stockage : la peur de manquer a précipité les consommateurs dans les magasins.
Certains supermarchés avaient même limité l’achat à un produit par personne appelant les consommateurs à plus de solidarité.
La santé sous tension
"La France est un désert médical". Ce sont les mots de la secrétaire d’Etat à l’Organisation territoriale et aux professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo. Pénurie de médecins, services d’hôpitaux qui ferment, des mois d’attente pour un rendez-vous : le diagnostic du dossier médical de la France a été critique.
Cette carence en médecins s’explique par un nombre insuffisant de médecins formés entre 1973 jusqu’au année 2000 et par le départ à la retraite de praticiens de nos jours. Le nombre de médecins retraités a donc dépassé celui de médecins entrants. De plus, pour Firmin Le Bodo, "Un médecin qui part en retraite, il en faut 3 pour le remplacer". La raison ? "Le médecin de famille qui travaille 70 heures, ça n’existe plus. Un médecin qui exerce tout seul, ça n’existe plus".
Les médecins libéraux sont d’ailleurs appelés à la grève en cette fin d’année pour demander le doublement du tarif de consultation de base, de 25 à 50 euros, ce qui rend la situation complexe dans certaines urgences.
Plus de 4 000 pédiatres ont dénoncé un manque de moyens pour prendre en charge les patients dans une lettre ouverte adressée à Macron, en pleine épidémie de bronchiolite cet automne.
Alerte rouge dans les pharmacies
L’Amoxicilline, l'antibiotique le plus prescrit contre les infections bactériennes et le paracétamol, un antidouleur manquent à l’appel. Se procurer certains médicaments en pharmacie est devenu un parcours du combattant, une situation angoissante en plein hiver.
"C’est une pénurie qui est assez inédite par son ampleur et par la diversité de molécules qui sont touchées", a affirmé Philippe Denry, co-président du syndicat des pharmaciens FSFF de Meurthe-et-Moselle à France 3, précisant "qu’on ne produit pas assez en France d’antibiotiques de base comme l’amoxicilline (...) le paracétamol, on dépend d’autres pays".
Avec deux années de Covid accompagnées de gestes barrières, il y a eu beaucoup moins de pathologies et le niveau de consommation a baissé. La reprise et les besoins post-Covid n’ont pas été anticipés pour 2022 provoquant un problème de disponibilité en médicaments.
Certains pharmaciens ont été obligés de limiter l’achat de paracétamol à 2 boîtes par patient tandis que les professionnels appellent les consommateurs à ne pas faire de stock, car la pénurie devrait durer encore quelques semaines.
A la recherche de la main d’œuvre
Transport, construction, restaurations… certains secteurs peinent à recruter. Les services de bus et de trains ont été réduits à Lyon, en raison d’une pénurie de chauffeurs. Dans la vallée de la Loire, des tonnes de légumes n’ont pas été récoltées pendant l’été, des milliers d’emplois n’ayant pas été pourvus.
La pénurie est la plus forte dans la construction, les transports, les soins infirmiers et l’agriculture, où près de 400 000 emplois sont vacants.