Les avocats de l'établissement qualifient la décision de "violente" et "disproportionnée", soulignant qu'elle porte "un coup de poignard incroyablement injuste aux élèves" du lycée Averroès. Lors d'une conférence de presse, le directeur du groupe scolaire, Éric Dufour, estime que les reproches formulés sont "une vaste plaisanterie".
Pour rappel, la justice administrative a rejeté la suspension de la résiliation du contrat du lycée musulman Averroès, arguant qu'il "n'y a pas lieu de maintenir le contrat d'association liant le lycée Averroès à l'État jusqu'à ce que la décision de résiliation, prise par le préfet du Nord, soit examinée par les juges du fond".
Trois recours avaient été déposés en janvier pour contester la rupture du contrat, entérinée par l'État début décembre et prévue pour la rentrée 2024.
Dans une interview exclusive accordée à Anadolu fin 2023, le président de l'association Averroès, Makhlouf Mameche, avait affirmé sa détermination à suivre toutes les procédures juridiques.
Après avoir saisi le Défenseur des Droits le 6 décembre dernier, l'association s'était directement adressée à la justice dès réception de la décision du préfet. Les avocats, Maître Bourdon et Maître Jablonski, avaient dénoncé dans un communiqué de presse "l'attitude absolument partisane du préfet lors de la réunion de la commission de concertation pour l'enseignement privé du 27 novembre".
Ils avaient également regretté "les multiples propos et rumeurs, malheureusement relayés par les pouvoirs publics, totalement diffamatoires et mensongers, qui visent à occulter la réalité d'un lycée républicain, musulman, d'excellence et de surcroît le plus contrôlé de France".
De nombreuses erreurs et omissions dans le rapport de la préfecture
Mediapart avait révelé que le rapport de la préfecture de la région Hauts-de-France, ayant servi de motif à la résiliation du contrat avec le lycée privé musulman Averroès, comporte de nombreuses erreurs et omissions.
Le rapport de la préfecture met en cause, par exemple, le cours d'éthique musulmane, jugé "salafiste", en s’appuyant sur un "article de blog" de l’auteur Mohamed Louizi. Mais selon Mediapart, le préfet "omet de préciser" que Louizi n’a aucun lien avec le lycée Averroès, qu’il n’a jamais été intervenant dans l’établissement, ni membre de l’équipe éducative et n’a jamais assisté au cours en question. Bien au contraire, il se trouve que Louizi est un essayiste d'extrême droite, qui appelle sur son blog à voter pour Marine Le Pen et qui milite depuis des années contre le lycée musulman.
La préfecture reproche également au lycée de bénéficier de fonds octroyés par l’ONG "Qatar Charity". S’il est vrai que le lycée a bénéficié de dons de l’ONG en question entre 2011 et 2015, le rapport omet de préciser que ces financements sont non seulement parfaitement légaux mais qu’ils étaient connus de la région Hauts-de-France.
Les avocats et directeurs de l'établissement ont dénoncé, à plusieurs reprises, une "discrimination", un "deux poids deux mesures" et se sont engagés à user de toutes les voies de recours pour maintenir le contrat du lycée avec l’Etat.
La décision du préfet de suspendre le contrat avec l'État privera l’établissement, un des meilleurs d’enseignement secondaire de France, de la subvention, estimée à un demi-million d'euros par an, qui permettait, jusqu'à présent, de verser les salaires des enseignants.
Averroès est l'un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves). Le groupe scolaire compte plus de 800 élèves, dont 400 sous contrat.
Le lycée lillois, fondé en 2003 avec le soutien de l'ex-UOIF (aujourd'hui Musulmans de France) en réponse à l'interdiction du voile dans les établissements scolaires, est devenu en 2008 le premier lycée musulman de France à être sous contrat et depuis lors, il maintient sa position parmi les meilleurs lycées.