Cette décision a été prise dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'immigration. Les sénateurs ont décidé de la remplacer par une nouvelle mesure dénommée "aide médicale d'urgence". Cependant, cette suppression reste sujette à une éventuelle révision lors de son examen à l'Assemblée nationale.
L'initiative de cette réforme émane de la droite sénatoriale, bien que le gouvernement ne se soit pas opposé à cette mesure.
La ministre déléguée aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a justifié la position du gouvernement par le fait que cette réforme "n'a rien à faire" dans le projet de loi sur l'immigration. Elle a affirmé que la disposition pouvait être annulée par l'Assemblée nationale, qui examinera le texte à partir du 11 décembre. Le Bodo a ajouté que le gouvernement attachait une grande importance à l'AME, la considérant comme un "dispositif de santé publique".
Créée par la gauche en 2000, l'AME fournissait une couverture complète des dépenses médicales et hospitalières aux étrangers en situation irrégulière résidant en France depuis au moins trois mois. En cas de mise en vigueur de la nouvelle loi, l'aide médicale d'urgence se concentrerait sur la prise en charge des "maladies graves et des douleurs aiguës", et sur la prophylaxie, réduisant ainsi la gamme de soins actuellement accessible à environ 400 000 bénéficiaires. La mesure doit également permettre la prise en charge des soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive.
Agnès Firmin Le Bodo a averti que la suppression de l'AME au profit de l'aide médicale d'urgence comportait "de vrais risques” pour le système de soins en France, car il était préférable de prendre en charge les affections bénignes avant qu'elles ne se transforment en pathologies graves.
L'adoption de cette suppression de l'AME a suscité de vives réactions. La sénatrice socialiste de Seine-Saint-Denis, Corinne Narassiguin, a associé l'abstention du gouvernement à un "silence complice", pendant que le sénateur écologiste de Paris, Bernard Jomier, a qualifié cette décision de "faute sanitaire, morale et économique".
En outre, le gouvernement s'est montré ouvert à d'autres évolutions possibles concernant l'AME, déclarant que d'autres pistes méritaient d'être explorées.
Favorable à la suppression de l'AME, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a qualifié la mesure de "bon compromis alliant fermeté et humanité". En revanche, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a vivement critiqué la décision des sénateurs, la qualifiant de "profonde erreur" voire de "faute". Médecins du Monde, dont les centres de soins en France sont fréquentés à 98 % par des immigrés, a également exprimé son désaccord en affirmant que l'article avait été adopté "au mépris des arguments de santé publique".
Régularisation des sans-papiers
Les sénateurs Les Républicains (LR) et leurs alliés centristes ont également trouvé un accord mardi sur la mesure portant sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension.
L'accord conclu mardi ouvre la voie à l'adoption d'une version plus stricte du projet de loi lors d'un vote solennel le 14 novembre, tout en prévoyant que le sujet des régularisations ressurgira ailleurs dans le texte sous forme de nouveaux amendements.
Ces amendements visent à réviser les critères énoncés dans la circulaire "Valls" de 2012, qui régit déjà cette "admission exceptionnelle au séjour", en vue de les rendre plus rigoureux.
Les préfets, qui ont la charge de cette responsabilité, seront dorénavant tenus de vérifier, non seulement la réalité et la nature des activités professionnelles de l'étranger, mais également son intégration sociale et familiale, son respect de l'ordre public, ainsi que son intégration au sein de la société française, comme l'explique en détail Bruno Retailleau.
Il est important de souligner que ceci ne constitue en aucun cas un droit automatique et opposable, mais plutôt une option accordée au cas par cas, et uniquement pour une durée limitée à un an, poursuit le leader de la droite sénatoriale. Cette disposition, qui sera vraisemblablement intégrée en tant qu'article additionnel séparé de l'article 3, permet au groupe centriste d'obtenir la "base législative" qu'il souhaitait, tandis que le groupe LR plaidait initialement pour une absence totale de mesures de régularisation des sans-papiers dans le texte de la loi.