Arrêté le 16 novembre dernier à sa descente d’avion à l’aéroport Houari-Boumediène d’Alger en provenance de France, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été placé, mardi 26 novembre, sous mandat de dépôt par le juge d’instruction du pôle anti-terroriste à Alger, a indiqué à TRT Français le bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi.
Cette information a été confirmée par son avocat français François Zimeray dans un communiqué.
M. Sansal, "qui s’était rendu à Alger en confiance, est aujourd’hui placé en détention en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien qui réprime l’ensemble des atteintes à la sûreté de l’État", a écrit Me Zimeray dans un communiqué.
L’article 87-bis du Code pénal algérien précise les situations où un prévenu peut être possiblement accusé de terrorisme ou de soutien au terrorisme.
Selon des sources judiciaires, les autorités algériennes reprochent au célèbre écrivain francophone de 75 ans, qui a obtenu la nationalité française en juin dernier, d’avoir remis en cause les frontières de l’Algérie.
"Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara", avait-il indiqué au site proche de l’extrême droite, Frontières. Et d’ajouter, lors de la colonisation de l’Algérie, "la France s’installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l’oust du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière". Selon lui, après le début de la guerre d’indépendance algérienne, "les indépendantistes algériens avaient promis de restituer ses terres au Maroc, une fois l’indépendance acquise".
De vives réactions en Algérie
Les déclarations de Sansal ont suscité de vives réactions en Algérie. Ainsi, dans un article au vitriol, l’agence officielle Algérie Presse service (APS), qui exprime la voix officielle des autorités algériennes, a accusé l’écrivain de "révisionnisme".
Certains hommes politiques, dont l’ancien ministre algérien de la Communication, Abdelaziz Rahabi, ont pointé du doigt ces propos. "Boualem Sansal réhabilite le récit colonial et ses contre-vérités historiques et ne mesure pas à quel point il est irrespectueux du sentiment national", a-t-il dit.
En revanche, d’autres figures politiques et intellectuelles ont pris la défense de l’écrivain. "Faut-il emprisonner un écrivain et l’accuser de trahison ou d’atteinte à l’unité nationale au motif qu’il a émis des propos non conformes à la vérité historique ?", s’est interrogé l’ancien candidat à l’élection présidentielle, Said Sadi.
Le politologue Mohamed Hennad a pour sa part souligné : "Si des paroles peuvent menacer la stabilité d’un pays, c’est que les institutions de l’Etat sont fragiles."Le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD, opposition laïque) a, de son côté, dénoncé dans un communiqué l’arrestation de l’écrivain franco-algérien. "Cette arrestation ne peut que constituer une atteinte grave aux libertés de circulation, d'expression, de création et des droits fondamentaux garantis par les conventions internationales et par la Constitution algérienne", a souligné le RCD.
L’arrestation de Boualem Sansal pourrait exacerber les tensions déjà existantes entre Alger et Paris. Le sort de Sansal a fait des remous dans la classe politique française qui a exprimé son inquiétude quant à la situation de l’écrivain.