"Face à la reconduction de la grève d'une partie du personnel à Port-Jérôme, en Normandie, le gouvernement lance la réquisition des personnels indispensables au fonctionnement du dépôt. La réquisition débutera ce jour", a indiqué à l'AFP le ministère de la Transition énergétique.
Les quelques grévistes indispensables au déblocage du carburant des cuves devraient donc se voir contraints de venir travailler, sous peine de sanctions pénales.
Malgré cette menace brandie pour la première fois la veille par la Première ministre Elisabeth Borne, les grévistes ont décidé tôt mercredi matin de poursuivre leur mouvement, prolongeant les pénuries de carburant qui affectent la France entière.
Outre des dépôts de carburant, six des sept raffineries françaises étaient en grève mercredi: les quatre de TotalEnergies et les deux d'Esso-ExxonMobil.
Chez TotalEnergies, la grève dure depuis deux semaines et prend de l'ampleur. Dans l'ensemble des sites en mouvement, la grève a été reconduite mercredi avec "quasiment 100% de grévistes parmi les opérateurs", a indiqué à l'AFP Eric Sellini, coordinateur CGT pour le groupe.
A coeur des revendications: des hausses salariales, alors que l'inflation fait rage et que les groupes pétroliers réalisent des superprofits avec la flambée de la hausse des cours liée à la guerre en Ukraine. La CGT de TotalEnergies réclame ainsi 10% d'augmentation sur les salaires pour 2022, contre les 3,5% obtenus en début d'année.
Avec la poursuite du mouvement, les grévistes prennent le risque d'un épilogue brutal avec réquisition de certains d'entre eux pour faire redémarrer les usines, comme le précédent mémorable de 2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Pour les dépôts, le redémarrage serait immédiat car assez simple, puisqu'il suffira d'ouvrir les vannes pour les camions. Mais "s'il y a réquisition pour redémarrer la production à la raffinerie, il faudra au moins deux semaines", explique Gil Vilard, de la CGT Esso.
"Galère"
Faute d'approvisionnement, quelque 30% des stations-service étaient à sec en France, mardi soir.
Et du nord au sud du pays, les mêmes scènes se reproduisaient: des stations-service fermées, d'interminables files d'attente, des prix en hausse et le moral des automobilistes en berne.
"L'essence, c'est trop important pour nous! Vous voyez, ça fait plus d'une semaine qu'on galère", témoigne Santiago, l'un des innombrables coursiers à "galérer" pour faire le plein à Paris, comme tous ceux dont le véhicule est un outil de travail.
Face à ces files d'attente d'automobilistes exaspérés, interviewés en boucle sur les chaînes d'information, et sous le feu des critiques de l'opposition, le gouvernement a dégainé mardi la menace de la réquisition, pour l'instant seulement pour débloquer les dépôts d'Esso-ExxonMobil.
Un accord salarial y a en effet été conclu lundi par deux organisations syndicales, majoritaires à l'échelle du groupe, mais pas par le syndicat CGT à l'origine de la grève.
Mme Borne a également évoqué la possibilité de réquisitions chez TotalEnergies.
Amorce de dialogue? Ce groupe a convié les syndicats représentatifs qui "ne participent pas au mouvement de grève" à une réunion de "concertations et d'échanges" mercredi après-midi.
"Si la CGT lève tous les blocages de sites, elle sera bienvenue à cette réunion de dialogue", a précisé le géant français.
M. Sellini y voit une manière "d'écarter" la CGT et de "justifier" ainsi une intervention du gouvernement en cas de refus de celle-ci de lever les blocages.
En cas de réquisition, "on ira devant les tribunaux pour les faire annuler", a averti Eric Sellini, tandis que la CGT d'Esso-ExxonMobil a dénoncé "une remise en cause du droit de grève".