Mardi, la France a commémoré les dix ans de l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo. Le 7 janvier 2015, l’hebdomadaire satirique était attaqué par deux individus se réclamant de Daesh. Douze personnes ont été tuées.
L’attentat de Charlie Hebdo a été un choc en France. Le 11 janvier, les Français ont défilé à travers tout le pays, en prônant l’unité, ‘le plus jamais cela’, mettant en avant la laïcité, le droit au blasphème et à la caricature.
Les pancartes et slogans “Je suis Charlie”, se voulaient les symboles d’une France qui porte la liberté d’expression dans ses veines.
Pourtant, Charlie Hebdo n’a en réalité jamais été Charlie.
Son humour ne s’est toujours focalisé que sur une cible facile : les musulmans. Dès lors que des contributeurs de la rédaction voulaient traiter de sujets plus sensibles, ils faisaient l’objet de représailles et de licenciements.
Affaire Siné
Le 2 juillet 2008, Charlie Hebdo publie une chronique du caricaturiste Siné dans laquelle ce dernier ironise sur l'ascension politique de Jean Sarkozy, fils de l'ex-président Nicolas Sarkozy.
Dans son texte, Siné évoque les fiançailles de Jean Sarkozy avec une héritière juive, ce qui alimente une rumeur de conversion au judaïsme, relayée par Patrick Gaubert, président de la LICRA, dans Libération.
“Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l'UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit !” avait raillé le caricaturiste.
L’ironie de Siné, connu de longue date pour être acerbe, ne tarde pas à susciter une vive polémique. L’entourage de Jean Sarkozy dénonce immédiatement la chronique, et la LICRA, par l’intermédiaire de son président, qualifie les propos de Siné d’”antisémites”.
Deux semaines plus tard, Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo, annonce la fin de la collaboration de Siné avec le journal, le 16 juillet 2008.
L’éviction de Siné provoque un véritable séisme médiatique. D’un côté, une partie des journalistes et intellectuels prend la défense du caricaturiste, dénonçant une censure déguisée sous l’apparence d’une lutte contre l’antisémitisme.
De l’autre, des personnalités, notamment celles proches de la LICRA, fustigent les propos de Siné et les jugent scandaleusement antisémites. Le climat devient tendu, des pétitions sont lancées dans les deux camps, et l’opinion publique se divise.
L’incident prend une tournure judiciaire en septembre 2008, lorsque Siné est cité à comparaître devant le tribunal de grande instance de Lyon pour “incitation à la haine raciale”, à la demande de la LICRA.
Mais le 29 janvier 2009, après un long procès, Siné est relaxé, les juges estimant que ses propos relevaient du droit à la satire.
Plus tard, en novembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris rend un jugement en faveur de Siné, condamnant la société des éditions Rotative, éditrice de Charlie Hebdo, à verser 40 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Mais plus encore, en 2012, la cour d'appel de Paris confirme la condamnation et augmente les dommages à 90 000 euros.
Siné est mort le 5 mai 2016 à Paris, dans la solitude, sans pouvoir retourner à la rédaction du journal satirique auquel il avait contribué pendant près de 30 ans.
Charlie Hebdo qui se targue de “taper sur toutes les communautés”, qui va pratiquer son humour facile même concernant les victimes de guerre ou de catastrophes naturelles, a ainsi rapidement fait machine arrière lorsqu’il a été question de défendre la liberté d’expression de Siné.