A l'issue du FORIF, Gérald Darmanin a publié une vidéo à l’attention des “compatriotes” musulmans sur son compte X pour faire le bilan de cette réunion. Debout, face caméra, il rappelle que l’Islam est la deuxième religion de France et souhaite à tous les musulmans un bon mois de Ramadan. Le ministre évoque la sécurité des mosquées. Un fonds d'1 million d' euros a été créé pour aider les lieux de culte à améliorer la sécurité des mosquées.
Mais le sujet du jour, ce fut le statut de l’imam français. Selon Gérald Darmanin, il devra parler français, être salarié, avec une protection sociale et un diplôme universitaire sur la laïcité. Reste aux associations musulmanes à définir le profil de l’imam. Jusqu'à aujourd'hui, il n’existe aucune obligation de formation pour exercer en tant qu’imam en France.
“Pour que l’imam soit un métier reconnu et clairement identifié, il faut un statut. Par exemple, un imam doit pouvoir mener les cinq prières quotidiennes et le prêche du vendredi. En six mois, on peut espérer établir un contrat de travail type pour un imam”, préconise Kalilou Sylla, imam de la grande mosquée de Strasbourg dans l’Est de la France qui a participé à cette réunion du FORIF et il fait partie du groupe de travail sur le statut et la formation de l’imam.
Un statut de l’imam, c’est aussi établir une grille de salaire. Francis Messner, juriste et chercheur au CNRS et directeur du master en islamologie à l’université de Strasbourg,”estime que la rémunération est le principal problème. “En France, l'État ne peut payer les salariés d’un culte (loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’État). Une piste existe, celle de constituer un fonds avec une partie des revenus du halal mais les trois mosquées qui, aujourd'hui, perçoivent cet argent ne soutiennent pas l’idée. Aujourd'hui seules les mosquées de Paris, Evry et Lyon touchent une partie des revenus du halal.”, note ce chercheur qui a également dirigé un ouvrage collectif sur le statut de l’imam en France.
Vient ensuite, le plus difficile pour le FORIF: la mise en place d’une formation unique, un tronc commun à tous les imams de France. Francis Messner ne cache pas son septicisme : “L’État français a mis en place une formation non religieuse sur l’Islam, son histoire, sa philosophie avec l’Institut d’Islamologie qui regroupe plusieurs universités. Ensuite, les communautés musulmanes doivent s’entendre pour trouver un cursus religieux commun. Les divisions sont nombreuses.”
Il s’agit de préparer la relève des imams consulaires dont certains sont sur le départ. L’imam strasbourgeois, Kalilou Sylla enseigne à l’Institut Islamica, un institut privé d’enseignement de l’Islam, créé en Alsace en octobre 2023 qui va lancer en septembre prochain une formation en trois ans pour devenir imam. “A nous de définir la formation commune à tous les imams. Mais c’est vrai que les associations musulmanes sont divisées. Il faudra beaucoup expliquer dans chaque région”. Il existe une trentaine d’écoles pour devenir imam en France. L’État français veut mettre un terme à ce qu'il appelle “l’ingérence de pays étrangers” dans l’Islam de France et il souhaite une uniformisation. Les communautés musulmanes tiennent à leurs différences, Francis Messner préconise une formation avec un tronc commun à tous sur 3 ou 6 ans et une formation en option pour que chaque groupe puisse garder son identité. Mais le vrai écueil à la naissance d’un Islam de France, c’est la division entre les communautés et le fait que le FORIF, organe reconnu par l’État ne rassemble pas tous les musulmans français. Une partie des associations turques n’y participe pas, tout comme des mouvements plus traditionalistes.