Huit anciens ministres de la santé mettent en garde, dans une tribune au journal Le Monde, contre la remise en cause de l’AME, comme le souhaite le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau qui veut la remplacer par une aide médicale d’urgence. La tribune publiée aujourd’hui épingle l’actuel ministre de l’Intérieur. Les ex-ministres mettent en avant un atout de santé publique.
Selon les anti-migrants comme l’ex-sénateur Retailleau, cette aide “attire” les migrants en France, ce qui n’a jamais été prouvé, et, surtout, elle coûte trop cher.
Retailleau veut supprimer l’aide médicale d’Etat
Pour bénéficier de l’AME, la personne en situation irrégulière doit toucher moins de 850 euros par mois et résider en France depuis au moins trois mois. Selon un rapport parlementaire de mars 2023, cette aide coûte cette même année 1,1 milliard d’euros pour des soins prodigués à 439 000 personnes. Encore une fois, le débat est relancé en France, et les avis tranchés s’affrontent.
L’avocat en droit des étrangers et en droit d’asile, Charly Salkazanov a voulu avec son étude répondre à toutes les Cassandres anti-migration qui lancent des chiffres énormes, accusant l’immigration de peser lourd sur les comptes publics: son papier publié par la Fondation Jean Jaurès est intitulé, “Le coût de l’immigration en France : une “fake news” à l’épreuve de la vérité”.
Il répond factuellement aux partis de droite, voire d’extrême droite. En 2023, l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, proche des thèses de droite, lance le chiffre de 40 milliards d’euros dans le débat en amont du vote de la loi sur l’immigration. Ce serait le coût de l’immigration sur les comptes publics français chaque année. Il se base sur une étude de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) de mars 2023.
Charly Salkazanov reprend donc cette même étude: “ce que dit l’OCDE c’est que pour chaque euro dépensé en école, soins, aides sociales, logement, une personne immigrée rapporte 0,88 centimes d’euros en impôts, TVA, cotisations sociales, consommation.” L’avocat cite une autre étude, celle publiée par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales rattachée au Premier ministre qui conclut que l’impact de l’immigration sur les comptes publics est proche de zéro.
Non, l’immigration ne coûte pas 40 milliards d’euros par an
L’auteur pointe du doigt les problèmes de méthode dans les conclusions de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie et l’association Les Contribuables associés, deux groupes de réflexion proches de l’extrême-droite très actifs sur le sujet. Ainsi l’observatoire de l’immigration et de la démographie définit comme “immigré” toutes les personnes nées à l’étranger, ce qui inclut nombre de Français et nombre de résidents européens. Selon l’Insee, 1,7 million de Français résidant en France en 2023 étaient nés à l’étranger et 32% des sept millions d’immigrés présents en France étaient originaires d’un pays de l’UE. Autre source d’erreur d’appréciation, dans leurs calculs sont comptabilisés les investissements publics qui profitent à tous et non pas seulement aux immigrés, ce qui mathématiquement gonfle les calculs.
Fin de l‘immigration = récession économique
Une fois, les chiffres du coût de l’immigration revus à la baisse, Charly Salkazanov poursuit son étude sur ce fil comptable, pour lui, réduire l’immigration est un non-sens pour les comptes publics. “A mon avis, l’immigration comble des besoins économiques. Il y a une immigration qualifiée, elle permet de combler des besoins en innovation et une immigration non-qualifiée qui est aussi nécessaire dans les secteurs agricoles, de l’aide à la personne, de la restauration.”
Lors des débats et du vote de la loi sur l’immigration en décembre 2023, Bruno Retailleau n’a pas voulu entendre la demande des secteurs agricoles et de la restauration qui demandaient des visas pour les métiers en tension. Pourtant, ce besoin économique a conduit des pays européens à régulariser des sans-papiers car elle a besoin de main d’oeuvre non qualifiée, comme l’Espagne, la Hongrie, l’Allemagne et même l’Italie d’extrême droite de Giorgia Meloni.
L’auteur ajoute à ce portrait économique, la baisse du taux de natalité en France, on est aujourd'hui de 1,7 enfants par femme cela veut dire que le renouvellement des génératioins ne se fait plus, la population vieillit et le taux de natalité baisse depuis 2010. Sa conclusion est simple, la fin de l’immigration se traduirait par une récession économique.
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Cette étude voudrait dépassionner le débat sur un thème qui cristallise toutes les passions dans une France en pleine crise politique. L’immigration est l’un des thèmes centraux du nouveau ministre de l’Intérieur qui veut réformer la toute récente loi sur l’immigration de décembre 2023. Le Conseil constitutionnel avait retoqué en janvier 2024 trente deux amendements votés notamment par les sénateurs Républicains, parmi eux, il y avait un certain Bruno Retailleau. Ces amendements, rejetés pour des raisons de procédure et non pas parce qu’ils étaient inconstitutionnels, peuvent donc être représentés dans une nouvelle loi.