L'Italie a signé un accord avec l'Albanie. Elle se chargera de "retourner" les migrants illégaux, un camp est construit à Gjader pour les y accueillir  / Photo: Reuters (Reuters)

C’était dans l’air. L’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, la Hongrie, l’Autriche critiquent vertement l’Union européenne et ses règles migratoires. Certains ont même fermé leurs frontières unilatéralement au nom de la lutte contre l’immigration illégale comme Berlin récemment. L'Italie, elle, a commencé à transférer les migrants arrêtés en mer vers deux centres qu'elle gère en Albanie où elle traitera les demandes d'asile.

L’annonce d'Ursula von der Leyen est tombée lundi soir dans une lettre aux 27 membres de l'Union européenne. La présidente de la Commission répond ainsi à la demande de plusieurs États membres de l’UE qui ont réclamé une révision de la directive retour de 2008 qui harmonise les règles en matière de reconduction aux frontières. La France était parmi eux.

Ursula von der Leyen prépare ainsi le sommet européen qui aura lieu jeudi et vendredi à Bruxelles et qui sera, en partie, consacré aux questions migratoires.

En lisant la lettre de von der Leyen, on a l’impression d’entendre le nouveau ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau. La présidente de la Commission reprend ses arguments.

Moins de 20% des décisions d’expulsion de migrants en situation irrégulière sont suivies d’effet, selon elle. La Commission envisage de durcir, par exemple, l’octroi de visas envers les pays qui refusent le retour de leurs nationaux.

On reconnaît le discours populiste initié il y a quelques années par Viktor Orban, le Premier ministre hongrois qui est devenu le discours dominant dans une Europe où les partis d’extrême droite font florès. La présidence de l’Union européenne est d’ailleurs hongroise en cette fin 2024.

Une reconnaissance mutuelle des décisions

L’outil principal que propose la Commission, c’est imposer une reconnaissance mutuelle des décisions d’un autre État membre. Concrètement, une décision prise dans un des États membres devra automatiquement être reprise par les autres États membres. Aujourd’hui, chaque pays a ses règles d’attribution de l’asile.

La même logique doit être appliquée aux visas. Ursula von der Leyen veut un “alignement de la politique des visas”. C’est un outil important pour gérer les mouvements irréguliers vers l’UE, a souligné Mme von der Leyen, prenant en exemple le Bangladesh et le Ghana.

Enfin, elle propose de développer les relations “stratégiques” avec les pays d’origine et de transfert, à l’instar de ce qui a déjà été fait avec la Libye ou la Tunisie.

66% de migrants en moins via la Méditerranée

L’UE a signé avec ces pays des accords censés freiner les départs de migrants vers l’UE depuis leur territoire. “Les retours depuis l’Afrique du Nord vers les pays d’origine se sont intensifiés au travers d’opérations financées par l’UE pour atteindre 17 700 (retours) en 2024”, s’est félicitée Mme von der Leyen. Elle passe sous silence les inquiétudes des associations de défense de droits de l’Homme qui dénoncent des violences et des traitements inhumains infligés aux migrants dans ces pays.

Pour accompagner son discours, Ursula von der Leyen affiche les chiffres suivants : “Ces accords mis en place en Tunisie ou en Libye ont permis de diminuer de quelque 66% les entrées irrégulières de migrants dans l’UE via la Méditerranée centrale”. Elle oublie que dans le même temps les arrivées par la façade atlantique via les îles Canaries, notamment, ont explosé.

Après quatre années de discussion, l’UE a durci le système avec un nouveau pacte asile et migration qui entre en vigueur l’année prochaine. Celui-ci va rendre plus strictes les conditions d’admission dans l’espace européen avec un “tri” des migrants aux portes de l’UE, et le refoulement systématique de ceux qui ne remplissent pas les conditions de l’asile.


TRT Français et agences