Selon le communiqué du ministère de l’Intérieur français, 208 000 victimes de violences conjugales ont passé la porte d’un commissariat ou d’une gendarmerie pour déposer une plainte en 2021. Un bond de 21% par rapport à l’année précédente mais il ne s’agit évidemment que de la partie émergée de l’iceberg, comme le reconnait ce rapport : "Les victimes de violence conjugale enregistrées par les services de sécurité ne représentent qu’une partie des personnes ayant subi ce type de violence chaque année, ces faits pouvant n’être jamais signalés ou l’être plus tardivement". Selon une enquête du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) publiée à la fin du mois de novembre, moins d’une victime de violence conjugale sur quatre a porté plainte en 2020. Le "vrai" chiffre des violences conjugales serait donc au moins quatre fois supérieur.
Dans son communiqué, le ministère de l’intérieur français impute cette augmentation à une libération de la parole due à une "amélioration des conditions d’accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie". Toutefois, une enquête du collectif féministe #NousToutes menée auprès de 3500 personnes avait mis en exergue les nombreuses problématiques rencontrées par les femmes victimes de violence lorsqu’elles souhaitent porter plainte. 66% de ces personnes ayant porté plainte ou ayant souhaité le faire estimaient avoir subi une mauvaise expérience en commissariat ou dans un bureau de gendarmerie. Bien loin des 90% de satisfaction mis en avant par l’audit du gouvernement.
Dans le rapport du ministère, parmi les plaintes pour violences conjugales prises en charge en 2021, deux tiers concernent des violences physiques, un peu moins d’un tiers portent sur des violences psychologiques ou verbales. Et l’enquête de la SSMSI rappelle que la majorité des victimes sont des femmes : 87%. Ce chiffre grimpe à 98% lorsque les faits relèvent de violences sexuelles. Et la grande majorité des mis en cause restent des hommes : 89%. "Hommes et femmes jouent un rôle absolument symétrique au sein des violences conjugales et pour chaque nature d’infraction, la part des hommes parmi les mis en cause est identique à la part des femmes parmi les victimes", indique le ministère de l’Intérieur en précisant que "la part des hommes varie de 86 à 100 % selon le type d’infraction sauf pour les injures et diffamations où 61 % des mis en cause sont des femmes".
Le rapport met également en valeur une fracture territoriale. Alors que les départements où l’on compte le plus fort ratio de dépôt de plaintes par habitants sont : la Guyane, la Seine-Saint-Denis, le Nord, la Réunion, le Pas-de-Calais et le Lot-et-Garonne, les communes rurales restent celles où l’on comptabilise le moins de violences conjugales. Mais là encore, les chiffres ne sont pas représentatifs de la réalité des violences subies par ces femmes dans ces milieux là. Ils confirment plutôt les difficultés rencontrées par les femmes vivant en milieu rural, comme l’ont rappelé la députée Marie Pochon du parti Europe Ecologie Les Verts et Marie-Pierre Monier sénatrice du parti socialiste dans une tribune du Monde. 50% des féminicides en France ont lieu dans ces territoires ruraux. "Les habitantes en milieu rural cumulent les facteurs de risque d’agression, le principal facteur aggravant les violences étant leur isolement. Un isolement géographique, mais aussi moral, accentué par des stéréotypes de sexe ancrés et un fort contrôle social" relèvent-elles dans cette tribune. Un autre rapport "Femmes et ruralités" du Sénat datant de 2021 notait les difficultés rencontrées par les femmes vivant en milieu rural, citant entre autres, la méconnaissance des dispositifs d’aide et d’écoute d’urgence.
Rappelons que chaque année à l’appel du collectif #NousToutes, plusieurs dizaines de milliers de femmes manifestent pour dénoncer les insuffisances du gouvernement en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Alors que le nombre de féminicides a lui aussi également augmenté de 20% en 2021 où 122 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.