1- En quoi consiste la nouvelle offre de trêve ?
Ce plan en trois phases prévoit la fin du conflit, la libération des otages et la reconstruction de Gaza.
“ La première phase durerait six semaines. Voici ce qu’elle comprendrait : un cessez-le-feu complet,un retrait des forces israéliennes de toutes les zones peuplées de Gaza et la libération d’un certain nombre d’otages, dont des femmes, des personnes âgées, des blessés, en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens”, a précisé Joe Biden.
L’accord prévoit aussi la restitution des corps des otages tués à leurs familles, “ce qui permettra de tourner la page de leur terrible chagrin”.
“ Les civils palestiniens retourneraient chez eux et dans leurs quartiers dans toutes les zones de Gaza, y compris dans le nord. L’aide humanitaire augmenterait avec 600 camions transportant de l’aide à Gaza chaque jour” a assuré Joe Biden.
Au cours des six semaines de la première phase, Israël et le Hamas négocieraient les arrangements nécessaires pour arriver à la phase deux, qui est une fin permanente des hostilités.
Enfin, a précisé le dirigeant américain, dans la troisième phase, “un plan de reconstruction majeur pour Gaza commencerait et les derniers des otages tués seraient restitués à leurs familles”.
Une offre qui ressemble à l'accord approuvé précédemment par le Hamas, mais rejeté au dernier moment par Israël.
Le mouvement de résistance palestinien a toujours insisté sur un cessez-le-feu, le retrait des troupes israéliennes de Gaza et le retour des déplacés notamment comme préalables à la paix.
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Les familles des otages israéliens à Gaza ont déclaré, samedi, que "le seul moyen de libérer leurs enfants (ou leurs proches) détenus dans la bande de Gaza est de conclure un accord d'échange avec les factions palestiniennes".
2- Qui est l’auteur de cette offre de trêve ?
Les tergiversations de Benjamin Netanyahu jettent une ombre sur le véritable auteur de cette offre de paix.
Le bureau du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé vendredi qu’une équipe de négociation avait été autorisée à “proposer un cadre pour atteindre cet objectif “, une référence à la libération des otages détenus par le Hamas.
Mais le samedi 1er juin, Netanyahu rejetait l'idée d’un “ cessez-le-feu permanent “ et affirmait que “ les conditions d’Israël pour mettre fin à la guerre n’ont pas changé ”.
Par conditions, le premier ministre israélien entend donc “ la destruction des capacités militaires et gouvernementales du Hamas, la libération de tous les otages et la garantie que Gaza ne constitue plus une menace pour Israël”. Il souligne dans ce contexte que l’idée qu’Israël accepte un cessez-le-feu permanent avant qu’il ne soit respecté est un “ échec”.
“Je sais qu’il y a ceux en Israël qui ne seront pas d’accord avec ce plan et appelleront à ce que la guerre se poursuive indéfiniment. Certains, d’autres sont même dans la coalition gouvernementale” a lancé Joe Biden dans son discours.
“Et ils ( ceux qui sont opposés au plan, NDLR) ont clairement indiqué qu’ils voulaient occuper Gaza, a poursuivi le président américain. Ils veulent continuer à se battre pendant des années, et les otages ne sont pas une priorité pour eux”.
La posture de Biden suggère qu’il veut s’appuyer sur certains responsables israéliens, potentiellement plus libéraux, pour contraindre Netanyahu à agir sur un cessez-le-feu.
“Nous ne pouvons pas perdre ce moment”, a insisté Biden, plus que jamais offensif.
“Si le Hamas vient à négocier, alors les négociateurs israéliens doivent recevoir un mandat, la flexibilité nécessaire pour conclure cet accord”.
3- Israël ne peut pas gagner sa guerre contre le Hamas
Le président américain a semblé dans son discours remettre en cause le narratif de Benjamin Netanyahu et la coalition d'extrême droite qui le soutient.
“Une guerre indéfinie à la poursuite d’une notion non identifiée de victoire totale (...) – ne fera qu’enliser Israël à Gaza, épuiser les ressources économiques, militaires, humaines et renforcer l’isolement d’Israël dans le monde. Cela ne ramènera pas les otages à la maison. Cela n’apportera pas une défaite durable du Hamas qui n’apportera pas à Israël une sécurité durable”.
Entre les lignes, le locataire de la Maison Blanche indique qu’il est temps d'arrêter une guerre perdue d’avance et contre-productive pour Israël.
Joe Biden soutient ainsi “(...) une approche globale qui commence par cet accord, ramènera les otages à la maison et conduira à un Israël plus sûr”.
Dans cette “approche globale”, Biden promet aussi la sécurité le long de la frontière nord avec le Liban, ce qui implique un accord avec le Hezbollah.
“Les États-Unis aideront à forger une résolution diplomatique, qui assure la sécurité d’Israël et permet aux gens de rentrer chez eux en toute sécurité sans craindre d’être attaqués”.
4- Quid de l’Etat palestinien ?
Si Biden souligne tous les avantages que les israéliens peuvent tirer de cette “offre de paix”, il n’en demeure pas moins vrai que la question d’un État palestien a été “oubliée”.
L’occasion semble pourtant bonne pour remettre sur la table ce point contenu dans les accords d’Oslo qui datent de 31 ans, depuis le 15 septembre 1993.
Biden se contente de parler vaguement “ (...) d’un meilleur avenir pour le peuple palestinien. Une histoire d’autodétermination, de dignité, de sécurité et de liberté”.
5- Quelles garanties pour contraindre Israël à respecter cet accord ?
“Si le Hamas ne respecte pas ses engagements dans le cadre de l’accord, Israël peut reprendre ses opérations militaires”, met en garde Joe Biden dans son discours.
“Mais l’Égypte et le Qatar m’ont assuré et ils continuent de travailler pour s’assurer que le Hamas ne le fasse pas. Les États-Unis contribueront à faire en sorte qu’Israël respecte également ses obligations”. Une promesse vague qui est loin de rassurer, étant donné les nombres de fois où Israël n’a pas respecté le droit international.
6 - L'énigme Netanyahu, épouvantail de la paix
D'après Yanir Cozin, correspondant diplomatique de la station de radio militaire israélienne, GLZ, cité par la BBC, M. Netanyahu ne mettra pas fin à la guerre tant qu’il ne pourra pas la présenter comme un succès.
“ S’il peut dire : ‘ Nous avons exilé Yahya Sinwar et Mohammed Deif (chef de la branche armée du Hamas), ils ne vivent pas à Gaza ‘ – et si les gens qui vivent près de Gaza et de la frontière nord peuvent rentrer – je pense qu’il peut garder son gouvernement uni. Mais il y a beaucoup de 'si'."
C’est à un véritable dilemme que Netanyahu est confronté. Renoncer à l’éradication du Hamas comme il le proclame- pour libérer les otages met en danger sa coalition et ses intérêts politiques.
Aura-t-il le courage de s'aliéner les soutiens des ministres d'extrême-droite Smotrich et Ben Gvir et de miser sur le soutien du ministre de la défense Benny Gantz, plutôt favorable au retour des otages ? Les faits démontrent son penchant pour ses alliés d’extrême droite.
7- Biden joue sa survie politique
En s’impliquant énergiquement dans l'aboutissement de ce “ plan de paix israélien”, Joe Biden semble jouer aussi son avenir politique immédiat.
Le locataire de la Maison Blanche est malmené dans les sondages pour la présidentielle, sous la pression des révoltes estudiantines et de l’opinion publique. Il ne peut non plus compter sur les minorités arabes et afro-américaines, à cause de son “soutien inconditionnel à Israël” dans sa guerre contre les Palestiniens à Gaza.
La réussite de cette médiation est somme toute, un tremplin inespéré pour conserver la direction de la Maison Blanche.
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