Droit dans ses bottes, Michel Barnier répond aux deux journalistes dans son bureau de Matignon. Il la joue d’abord serein. Il a accepté ce poste en sachant que la majorité de son gouvernement à l’Assemblée était toute relative et savait que ce serait difficile. S'il est censuré, il aura duré trois mois à ce poste.
Puis, le chef du gouvernement lance la balle dans le camp des députés. Il espère “un réflexe de responsabilité” des députés “pour l’intérêt du pays“. Il tacle quand même les élus de l’Assemblée nationale qui ont tous une part de responsabilité dans la situation actuelle, sans donner de nom.
“Les Français que je rencontre ont plus le sens de la responsabilité que certains hommes politiques”, a-t-il dit. En clair, la faute est celle des élus et pas du budget qu’il a présenté même si Michel Barnier admet que ce texte, bouclé en quinze jours, n’est pas parfait.
La tactique d’attaque suivante laisse une impression de fébrilité. Michel Barnier en appelle aux électeurs de l’extrême-droite pour empêcher leurs députés de voter avec “l’extrême-gauche”. Il n’utilise jamais l’expression Nouveau front populaire. Il insiste pour assimiler la motion de censure à un brûlot d’extrême gauche oubliant au passage qu’un vote de motion de censure est un vote pour ou contre un gouvernement et son travail et que ce n’est en aucun cas un choix de programme politique ou une alliance parlementaire.
A l’écouter, on oublierait presque que le RN a aussi déposé une motion de censure. “Les électeurs du RN se sentiront-ils respectés ? Dans la rédaction (de la motion de censure de la gauche), vous pouvez y lire : “Nous avons fait le choix du barrage à l’extrême droite”. Et il finit par accuser Marine Le Pen de marchandage.
La France va payer 60 milliards d’intérêts en 2025
Le reste de l’interview est une mise en garde sur les conséquences. Si le budget n’est pas voté, le budget 2024 s’applique et “18 millions de Français paieront plus d’impôts, les retraites agricoles ne seront pas augmentées…”.
Il insiste sur la mauvaise image de la France si la crise politique s’intensifie. La France devra emprunter à des taux plus élevés, “ce sont les impôts de demain que nous léguerons à nos enfants”.
Le Premier ministre termine par un appel à la stabilité et la stabilité c’est lui ! “Bien sûr que j’ai envie que les députés me donnent du temps“, conclut-il.
Les réactions ont été immédiates, et à gauche, personne n’a apprécié l’appel en direct aux électeurs du Rassemblement national. "Pitoyable, Barnier supplie Le Pen de sauver son poste, en direct à la télévision", a réagi sur X la députée LFI-NFP Clémence Guetté, vice-présidente de l'Assemblée nationale. "Pour sa dernière soirée à Matignon, Michel Barnier fait beaucoup de peine à voir", a commenté de son côté la députée Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale.
Les commentaires sont assez cinglants
L’empathie n’est pas non plus au rendez-vous du côté du RN qui n’a pas aimé les accusations de “surenchère” faites par Michel Barnier. "C'est de la mauvaise foi de la part du Premier ministre qui n'est pas un bon perdant", a déclaré sur franceinfo Laurent Jacobelli, porte-parole du RN. Le soutien vient du socle républicain qui est derrière le Premier ministre et veut croire à un sursaut.
En vieux briscard de la politique, Gérard Larcher, le président du Sénat appelle les députés à "dépasser les rancœurs".
Le vote sur les motions de censure aura lieu à 16h00 ce mercredi. Le Nouveau front populaire et le Rassemblement national ont chacun déposé une motion de censure contre le gouvernement. Marine Le Pen, président du groupe RN à l’Assemblée a également annoncé que son groupe soutiendrait la motion déposée par la gauche qui sera étudiée en premier.