Le lycée privé d’Averroès, lycée musulman et un des meilleurs établissements d’enseignement secondaire de France, ne recevra plus de subventions de la part de l’État. Le préfet du Nord a décidé de mettre fin au contrat le liant au lycée lillois à partir de la rentrée 2024, vingt ans après sa création. Une décision attendue du fait de l’avis favorable rendu par une commission consultative qui s’était penchée fin novembre à la fois sur le financement et le contenu des cours de l’établissement.
Bien que l'Éducation nationale ait effectué plusieurs inspections qui n'ont pas remis en question le contrat d'association, le préfet souligne, selon le Parisien, un "manque de transparence et de désintéressement dans la gestion de l'établissement", ainsi que des enseignements jugés "contraires aux valeurs de la République". L'inspection générale de l'Éducation nationale avait conclu quant à elle, dans un rapport de 2020, n'avoir trouvé aucune indication que les pratiques enseignantes ne respectent pas les valeurs républicaines.
Selon la presse française, un rapport de saisine de la commission de douze pages, établi par le préfet du Nord, Georges-François Leclerc, daté du 27 octobre dernier, a pointé du doigt le financement étranger du lycée, qui présente un taux de réussite de 98 % au bac en filière générale.
Leclerc dénonce des “dysfonctionnements administratifs“, “une communauté éducative inquiétante"et des “financements qui posent question" contre l’établissement lillois, qu’il accuse de contrevenir aux valeurs de la République. Le préfet évoque les subventions reçues par l'intermédiaire de l'ONG, Qatar Charity, qui vise à "enraciner un islam politique au sein des communautés musulmanes d’Europe", selon son expression.
"C’est du jamais vu qu’un Préfet résilie le contrat d’un établissement musulman", a déploré Makhlouf Mameche à l’agence Anadolu, président de la fédération nationale de l’enseignement privé musulman.
"Climat d’islamophobie"
La section "enseignement privé" de la CGT (confédération générale du travail), a fustigé "une démarche qui s’inscrit parfaitement dans l’agenda politique du gouvernement".
"Nous ne sommes pas dupes sur les réelles motivations du conseil régional et du ministère, cela s'inscrit dans un contexte politique qui n'a de cesse de stigmatiser une religion, l'Islam, et vient officialiser encore une fois le glissement idéologique vers l'extrême droite dont nous combattons les idées nauséabondes", poursuit le syndicat qui réclame "une expertise impartiale sur la menace de retrait du contrat d'association pour le lycée Averroès". Les organisations Sundep Solidaires et Sud enseignement privé pointent elles aussi le contexte politique dans lequel intervient cette polémique.
Dans un communiqué commun, les deux sections syndicales assurent que la démarche du Préfet "s'inscrit dans un climat d'islamophobie où la population issue de l'immigration est réduite à sa seule religion, présentée comme un potentiel danger".
Averroès est l'un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves). Le groupe scolaire compte plus de 800 élèves, dont 400 sous contrat.
Le lycée lillois, fondé en 2003 avec le soutien de l'ex-UOIF (aujourd'hui Musulmans de France) en réponse à l'interdiction du voile dans les établissements scolaires, est devenu en 2008 le premier lycée musulman de France à être sous contrat et depuis lors, il maintient sa position parmi les meilleurs lycées.
Depuis 2019, la région refuse de verser la subvention prévue dans le cadre du contrat avec l'État au lycée prestigieux, arguant d'un don qatari de 950 000 euros accordé en 2014.
Selon Mameche, l’établissement a besoin de 2 millions d’euros pour assurer son fonctionnement annuel, dont environ 1,7 million sont issus de fonds publics octroyés par l’Etat et qui seront désormais supprimés avec la rupture du contrat.