Obtenu aux forceps mercredi, cet accord d'union qui regroupe le PS, La France insoumise (LFI, gauche radicale), les communistes et les écologistes, concentre l'espoir d'une partie de la gauche d'obtenir une majorité des 577 députés lors des scrutins des 12 et 19 juin.
Réunie sous une même bannière, la "nouvelle union populaire écologique et sociale", cette coalition rêve d'imposer un partage du pouvoir au président centriste libéral Emmanuel Macron, tout juste réélu face à la candidate d'extrême droite Marine Le Pen.
Si cet objectif - jugé peu plausible par les politologues - fait largement consensus à gauche, les modalités de l'accord passent mal auprès de certains socialistes déjà pressentis pour les législatives, sommés de céder leur place, et auprès de ténors du parti.
Le Conseil national, le "parlement" du PS, a finalement adopté l'accord par 167 voix pour, 101 contre et 24 abstentions, après quatre heures de vifs débats.
"C'est un moment de clarification, ce vote dit à quel espace politique nous appartenons", "à gauche" et pas avec Emmanuel Macron, a conclu le premier secrétaire Olivier Faure depuis le siège du PS à Ivry-sur-Seine, près de Paris.
L'accord "nous remet dans la gauche, nous en étions sortis. Nous n'étions plus fréquentables", s'est félicitée la sénatrice Laurence Rossignol. "LFI n'est pas la force centrale de la gauche, elle est temporairement dominante, c’est un moment à passer", a-t-elle tenté de rassurer.
"L'accord que vous avez négocié demande de nous excuser, de faire repentance, de nier une partie de notre histoire", s'est au contraire insurgée une des opposantes à l'alliance, Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin dans la banlieue de Lyon.
Deux points en particulier font grincer des dents: le nombre de circonscriptions obtenues par le PS - 70 contre les 100 espérées - et la possibilité de "dérogations" aux règles de l'Union européenne (UE), perçue comme certains socialistes comme une rupture avec la doctrine du parti.
Lignes de fracture
Selon la liste consultée par l'AFP, une bonne vingtaine de circonscriptions sont gagnables, sur les 70 obtenues. L'Assemblée sortante comptait 26 députés PS, plus trois apparentés.
Face à cet accord, une ligne de fracture a ressurgi au sein du PS. D'un côté, ceux qui voient dans l'accord un reniement du logiciel socialiste, à l'image de l'ex-président François Hollande et de ses anciens Premiers ministres Jean-Marc Ayrault ou Bernard Cazeneuve, qui a mis à exécution sa menace de quitter le parti.
M. Cazeneuve a notamment vu dans cet accord un "rafistolage" et une "forme de démission".
De l'autre, ceux qui y voient une planche de salut pour une formation ressortie groggy de la présidentielle avec un score historiquement bas, sous la barre des 2%. On y retrouve la maire de Lille (nord) Martine Aubry, figure historique du parti, et d'autres maires de grandes villes qui soutiennent l'accord.
Mme Aubry a évoqué notamment la "forte aspiration" des électeurs de gauche "au rassemblement et à l'unité" exprimée lors de l'élection présidentielle d'avril, qui a placé le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon en troisième position avec près de 22% des voix, à des années lumière des autres candidats de gauche.
Reste à savoir dans quel état le PS, courant historique qui a dirigé alternativement la France avec la droite pendant trente ans avant l'élection de M. Macron en 2017, sortira de cette nouvelle zone de turbulences.
Pour Gilles Candar, historien spécialiste des gauches françaises, il est encore trop tôt pour le dire.
"Il arrive fréquemment que les candidats dissidents soient réintégrés après une année ou deux de suspension. Mais cela peut déraper ou être trop massif et déboucher sur la création de nouvelles formations", dit-il à l'AFP.