Le lycée Averroès de Lille a défié, devant le tribunal administratif, la suspension du contrat avec l'État. L'avocat Vincent Brengarth, a dénoncé un détournement de pouvoir et une discrimination par rapport à d'autres écoles privées.
C’est "un détournement de pouvoir manifeste". C’est ainsi que Vincent Brengarth a défendu le lycée après la décision du préfet de suspendre le contrat avec l'État. Il a notamment souligné une forme de discrimination par rapport à d'autres établissements privés et a questionné les motivations de la décision, prise en décembre dernier par Georges-François Leclerc, l'ancien préfet des Hauts-de-France.
Le conseil de l'établissement a insisté sur le caractère discriminatoire de cette décision, la qualifiant de "mesure de police administrative ciblant l'identité du lycée plutôt que des manquements administratifs".
Comparaison avec Stanislas
Pour l’avocat, il s’agit d’un "deux poids deux mesures" avec les autres établissements privés comme le lycée catholique Stanislas, fréquemment évoqué dans le dossier lié à la scolarisation des enfants de la nouvelle ministre de l'Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra et épinglé dans un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale relatant des "dérives".
"Quand on regarde les rapports de l’inspection générale sur certains établissements et sur le nôtre, il n’y a pas photo", a relevé à l’issue de l’audience Éric Dufour, directeur de l’ensemble scolaire Averroès. "Quand j’entends parler de cours non-mixtes, d’instruction religieuse obligatoire, c’est le contraire à Averroès", a-t-il ajouté.
De son côté, l'avocat de la préfecture, Me François Pinatel, a évoqué une adhésion de l'établissement à des doctrines contraires aux valeurs de l'enseignement privé sous contrat, provoquant des réactions mitigées parmi l'audience.
Les avocats du lycée privé musulman Averroès de Lille, Me William Bourdon, Me Vincent Brengarth, Me Paul Jablonski et le directeur de l'établissement Éric Dufour, avaient dénoncé lors d'une conférence de presse en décembre une "cabale organisée politiquement" visant "un lycée dont l'excellence a été reconnue, mais qui dérange par l'identité qu'il porte".
Accusant l'ancien préfet du Nord d'être "l'homme lige" du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, les avocats de l'établissement avaient fait état d'une décision qui "s'inscrit dans une forme de nouveau maccarthysme à la française".
De nombreuses erreurs et omissions dans le rapport de la préfecture
Mediapart avait révelé que le rapport de la préfecture de la région Hauts-de-France, ayant servi de motif à la résiliation du contrat avec le lycée privé musulman Averroès, comporte de nombreuses erreurs et omissions.
Le rapport de la préfecture met en cause; par exemple, le cours d'éthique musulmane, jugé "salafiste", en s’appuyant sur un "article de blog" de l’auteur Mohamed Louizi. Mais selon Mediapart, le préfet "omet de préciser" que Louizi n’a aucun lien avec le lycée Averroès, qu’il n’a jamais été intervenant dans l’établissement, ni membre de l’équipe éducative et n’a jamais assisté au cours en question. Bien au contraire, il se trouve que Louizi est un essayiste d'extrême droite, qui appelle sur son blog à voter pour Marine Le Pen, et qui milite depuis des années contre le lycée musulman.
La préfecture reproche également au lycée de bénéficier de fonds octroyés par l’ONG "Qatar Charity". S’il est vrai que le lycée a bénéficié de dons de l’ONG en question entre 2011 et 2015, le rapport omet de préciser que ces financements sont non seulement parfaitement légaux mais qu’ils étaient connus de la région Hauts-de-France.
Les avocats et directeurs de l'établissement ont dénoncé, à plusieurs reprises, une "discrimination", un "deux poids deux mesures" et se sont engagés à user de toutes les voies de recours pour maintenir le contrat du lycée avec l’Etat.
La décision du préfet de suspendre le contrat avec l'État privera l’établissement, un des meilleurs d’enseignement secondaire de France, de subvention, estimée à un demi-million d'euros par an, qui permettait, jusqu'à présent, de verser les salaires des enseignants.
Averroès est l'un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves). Le groupe scolaire compte plus de 800 élèves, dont 400 sous contrat.
Le lycée lillois, fondé en 2003 avec le soutien de l'ex-UOIF (aujourd'hui Musulmans de France) en réponse à l'interdiction du voile dans les établissements scolaires, est devenu en 2008 le premier lycée musulman de France à être sous contrat et depuis lors, il maintient sa position parmi les meilleurs lycées.