Marlène Schiappa / Photo: Reuters (Reuters)

Questionnée en détail par les sénateurs, cette dernière a été mise en difficulté à de très nombreuses reprises, avant de répondre "je ne sais pas" ou "je ne me souviens pas".

"Je ne me suis pas personnellement mêlée de la mise en œuvre et de l’ingénierie des dispositifs", a martelé l’actuelle secrétaire d’Etat, se disant "formelle" quant au fait précis qu’elle n’a "à aucun moment demandé (…) à ce que Mr Sifaoui soit priorisé ou au-dessus de la pile".

Elle assure n’avoir eu "aucune raison de le faire" et d’intervenir en faveur de l’octroi d’une subvention au projet "I-Laïc", co-dirigé par le journaliste controversé Mohamed Sifaoui.

Pour autant, le président de la commission lui a ardemment rappelé au cours de son audition que la subvention accordée à ce projet avait déjà été "fléchée" et décidée avant même le dépôt de sa candidature, échanges de mails à l’appui.

Malgré les incohérences, Marlène Schiappa a maintenu la même ligne de défense en indiquant avoir délégué à l’administration, en l’occurrence le CIPDR (Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation), la gestion de ce fonds.

"Ce dossier était soutenu par le CIPDR puisqu’il a été donné un avis favorable au fait de pouvoir financer ce dossier de manière unanime par l’ensemble des membres du comité de sélection, c’est-à-dire tant les membres du cabinet que les membres de l’administration", a-t-elle déclaré à cet effet.

Et la posture de la ministre a manifestement agacé le sénateur Jean-François Husson qui a jugé "assez extraordinaires" les déclarations de l’intéressée.

"Vous êtes en train de nous dire qu’avec 3 membres de votre cabinet (membres du comité de sélection), vous n’êtes au courant de rien sur une séquence de trois semaines d’un Fonds Marianne dont vous déclarez l’urgence à agir", s’est-il étonné.

Cette audition intervenait alors que Mohamed Sifaoui, qui a fait l’objet d’une perquisition dans cette affaire, est lui-même entendu par les services de police enquêteurs depuis le début de la matinée.

Pour rappel, ce fonds, doté de 2,5 millions d’euros et pensé par Marlène Schiappa pour "défendre les valeurs de la République" en combattant de prétendus "discours séparatistes" a en réalité servi en partie à cibler des opposants politiques, des personnalités engagées contre l’islamophobie, ou encore Anadolu et sa correspondante en France.

Interrogé par Anadolu, le député LFI (La France Insoumise), Carlos Martens Bilongo, juge "troublant de constater que ce soit au préfet Christian Gravel (fonctionnaire) de démissionner à la place de Marlène Schiappa".

"En démocratie normale, la responsabilité incombe à la ministre donc c’est à elle de répondre aux interrogations et de prendre les mesures appropriées", estime l’élu du Val d’Oise tandis que plusieurs autres députés réclament la démission de Marlène Schiappa.

À noter que l’utilisation de ces fonds fait l’objet d’une enquête du PNF (Parquet national financier), d’une commission d’enquête parlementaire ouverte par le Sénat, et d’investigations de la part de l’IGA (Inspection générale de l’administration).

Le préfet Christian Gravel, à la tête du CIPDR qui pilotait le Fonds Marianne, a lui aussi été perquisitionné mardi, une semaine après sa démission et sa large mise en cause par un premier rapport de l’IGA rendu public le jour-même.

Ce rapport accablant estime que "l’appel à projets n’a été ni transparent ni équitable", que "l’utilisation de la subvention" par l’une des associations "n’a pas été conforme aux objectifs fixés" et que "le secrétariat général du CIPDR n’a pas accompli les diligences nécessaires au bon suivi de l'exécution de la subvention".

Dans le détail, il est établi que le dossier de candidature de l’association à l’initiative du projet I-Laïc, dont Mohamed Sifaoui était la tête pensante, "a été transmis pour être initialement financé dans un autre cadre, 10 jours avant l'appel à projets", que cette structure n’était "pas éligible au bénéfice d'un financement, tant du fait de son objet que des manquements dans ses obligations déclaratives, relevés par la mission".

L’IGA affirme également que "le volume et la qualité des publications sur les réseaux sociaux et internet sont inférieurs à la production prévue", tandis qu’une "partie de la subvention n'a pas été dépensée conformément à la convention".

AA