Des signaux d'alerte auraient pu être décelés avant la spectaculaire faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB), mais les régulateurs ont manqué le coche par manque de supervision et en raison de lois insuffisamment contraignantes, avancent plusieurs analystes.
La banque centrale américaine (Fed) a annoncé lundi qu'elle allait effectuer "une analyse approfondie, transparente et rapide" des événements autour de SVB, dont les résultats seront publiés le 1er mai.
Comment la 16e banque américaine par actifs, fermée vendredi par les autorités, a-t-elle pu s'effondrer aussi rapidement et entraîner dans son sillage la défaillance, dimanche, de Signature Bank?
La déroute de l'établissement "met en évidence les insuffisances des réformes réglementaires qui ont été faites" après la crise financière de 2007-2009, estime Arthur Wilmarth de l'université George Washington.
Plusieurs éléments auraient dû alarmer les régulateurs, à commencer par le fait que la banque était très concentrée sur quelques clients à haut risque --des start-up et les investisseurs en capital-risque-- comme d'autres firmes se sont par le passé fourvoyées en se concentrant sur l'immobilier commercial ou des prêts aux pays émergents, avance-t-il.
Autres avertissements autour de SVB: sa croissance très rapide entre 2020 et 2022, son exposition à des obligations à long terme au moment où les taux remontent rapidement et le fait que la vaste majorité de ses comptes affichaient un solde supérieur aux 250.000 dollars garantis par les autorités.
"C'est une combinaison assurée pour l'échec si l'économie tourne mal", avance Arthur Wilmarth. "Les régulateurs ne pouvaient pas l'ignorer".
Plusieurs observateurs pointent du doigt l'assouplissement de la loi américaine Dodd-Frank adoptée après la crise de 2007-2009, qui obligeait notamment toutes les banques ayant plus de 50 milliards de dollars d'actifs à présenter régulièrement un scénario de liquidation. En 2018, sous l'autorité de Donald Trump, ce seuil est passé à 250 milliards.
Pas d'excuses
"Lorsque les exigences réglementaires sont assouplies (...), cela met beaucoup plus de pression sur les régulateurs puisqu'ils n'ont pas accès aux signaux d'alarme" générés par les contrôles automatiques, souligne Anna Gelpern de l'université de Georgetown.
Ceci dit, ajoute-t-elle, "cela ne les excuse pas de ce qui apparaît être un échec de supervision" de la part des régulateurs qui ont comme tâche de s'assurer d'une gestion "sûre et fiable" de toutes les banques. La réglementation était aussi inadéquate dans le cas particulier de SVB, estime Michael Ohlrogge de la New York University.
Le fait que les investissements dans les obligations adossées à l'Etat soient considérés comme "quasiment sans risque quand il s'agit de calculer les exigences de capitalisation" s'est traduit par le fait que SVB "ait pu faire de gros paris sur (ces produits) sans aucun coussin de secours", dit-il.
Quand il s'agit de tester la résistance des banques, les régulateurs partent par ailleurs du principe que les clients d'une banque ayant plus de 250.000 dollars de dépôts ne vont pas soudainement s'enfuir "s'ils font affaire avec la banque", remarque Michael Ohlrogge.
Au vu des clients qui ont cherché à retirer des dizaines de milliards de dollars dès les premiers signes de difficultés de SVB, "il va sans doute falloir revoir cette hypothèse".
Pour Henry Hu de l'université du Texas, la réponse apportée ce week-end par les auto rités est aussi problématique. "C'est un dilemme", reconnaît-il.
Si la banque centrale américaine (Fed) n'avait pas garanti que tous les dépôts de SVB et Signature Bank seraient remboursés, de nombreuses entreprises auraient retiré leur argent des banques régionales pour les placer dans des banques considérées comme "trop grosses pour faire faillite".
Mais "si l'on pense que les régulateurs couvrent tous les dépôts non assurés, il en résulte un aléa moral. Certaines entreprises pourraient négliger de surveiller les banques avec lesquelles elles traitent, convaincues que leu rs dépôts sont en sécurité quoi qu'il arrive", estime-t-il.