“Tous les puits sont à sec”. D’une voix résignée, Abdelkader décrit à TRT français la détresse qui s’est installée dans son village de Rahouia, située dans la région de Tiaret, dans l’Ouest de l’Algérie. Ce gardien d’école âgé de 50 ans témoigne du désarroi collectif qui s’est emparé de la population face à une crise d’eau qui a poussé les habitants à manifester dès le mois de juin dernier.
Contrairement à ses voisins, Abdelkader n’avait jusque là pas été affecté par cette pénurie, car il avait accès à plusieurs puits creusés dans la région. Cependant, la situation a rapidement évolué, en quelques jours. Même ces sources souterraines sont épuisées, obligeant les habitants à s’approvisionner par le biais de camions citernes, dont le coût peut atteindre jusqu’à 3000 DA (environ 15 dollars)
Quelques semaines après les premières manifestations de juin, les autorités n’ont proposé que des solutions temporaires. En juillet, des citoyens de la région ont rapporté à TRT français que l’eau ne leur parvenait que “deux à trois heures toutes les deux à trois semaines”.
“Je reçois de l’eau une fois toutes les deux semaines. Je dois stocker dans des citernes, sinon, je suis contraint d’en acheter davantage”, s’est plaint Ali, cafetier au centre-ville de Rahouia. A une quinzaine de kilomètres de là, dans le chef-lieu de Tiaret, la situation est légèrement meilleure, mais reste en deçà des attentes des habitants. “Nous recevons de l’eau une fois par semaine. Mais souvent, la pression est tellement faible qu’elle n’atteint pas les étages supérieurs”, raconte Ahmed, tenancier d’un restaurant au centre-ville. Dans cette région, il n’est tombé que “l’équivalent d’une semaine de pluie” durant tout l’hiver, indique Abdelkader. Avant même l’arrivée de l’été, les réserves étaient déjà largement épuisées et la situation s’est aggravée avec la saison estivale, très sèche.
En attendant le raccordement de ces régions au réseau d’eau potable venant des départements voisins, les autorités ont dû recourir à une solution d’urgence. En l’absence de ressources disponibles, des réservoirs d’eau sont alimentés par des citernes géantes avant que le précieux liquide ne soit envoyé dans les foyers. Entre-temps, les canalisations sont en train d’être installées, assure le ministre de l’Hydraulique, Taha Derbal, en déplacement dans la région.
Des sources locales ont également indiqué à TRT français que les autorités ont donné leur accord pour que de nouveaux forages soient effectués. Selon Saci Belgat, professeur à l’Université de Mostaganem (Nord-Ouest), la région de Tiaret sera “alimentée en eau potable à partir de Chott Chergui, un aquifère majeur de l’Algérie du Nord, qui s’étend sur 40 000 à 75 500 km2”. Mais les travaux, qui devaient se terminer en juillet, sont toujours en cours.
Cette crise de l’eau ne se limite pas à la région de Tiaret. Elle touche également d’autres zones du pays à des degrés divers. A l’Est, des citoyens ont manifesté récemment à Annaba et Tarf, près de la frontière tunisienne, en raison de l'absence d’eau potable dans leurs robinets durant plusieurs jours. A Tizi-Ouzou, en Kabylie, les communes sont souvent contraintes d’afficher le planning de distribution d’eau pour leurs quartiers et villages. Malgré une disponibilité d’eau de sources et de certains barrages environnants, les autorités ont choisi d’adopter une approche prudente en ne distribuant l’eau que quelques heures par jour. Cette situation résulte d'une baisse significative de la pluviométrie qui a chuté dans les régions du Centre et de l’Est de 20 à 40% et jusqu’à 70% à l’Ouest, selon l’hydrologue Malek Abdesselam de l’Université de Tizi-Ouzou.
La réponse des autorités
Pour pallier cette situation, les autorités algériennes intensifient leurs efforts afin d’assurer un approvisionnement régulier en eau potable. Ainsi, plusieurs projets de stations de dessalement d’eau de mer sont en cours.
“Nous avons anticipé la sécheresse avec un premier programme qui a mis en œuvre 14 stations produisant 2,2 millions de m³ par jour, soit 18% de l'eau potable pour les citoyens. D'ici 2050, le Sahel, dont l’extrême sud de l’Algérie fait partie, va perdre 20 % de sa pluviométrie. Nous élaborons donc un programme complémentaire pour augmenter notre capacité de dessalement d'eau potable de 18 à 42%”, a déclaré Mouloud Hachlaf, directeur de la communication de l'AEC, Algerian energy company, une filiale de la Sonatrach qui gère la réalisation et le fonctionnement de ces usines de dessalement.
En parallèle, de nombreux barrages sont en construction bien que leur efficacité soit souvent entravée par l’absence de pluie.
En revanche, les autorités misent également sur la récupération des eaux usées. Selon les projections du gouvernement, “la récupération des eaux usées pour l’agriculture peut permettre d’économiser près de 0,9 milliard de m3 d’eau, soit 30% du volume destiné à l’AEP et l’industrie”.