Les députés et collaborateurs du RN (Rassemblement national) redoutaient un réquisitoire sévère dans l'affaire des emplois fictifs au Parlement européen, mais celui-ci s’est révélé impitoyable.
Le 13 novembre, le ministère public français a requis une peine de cinq ans d'emprisonnement contre Marine Le Pen dont deux ans ferme, aménageables avec un bracelet électronique, une amende de 30 000 euros, et cinq ans d'inéligibilité, le tout assorti d’une exécution provisoire, c'est-à-dire appliquée immédiatement, même en cas d'appel. Ceci peut compromettre les ambitions présidentielles de la figure d’extrême droite pour 2027.
"Nous sommes ici dans une enceinte judiciaire et le droit s'applique à tous", a insisté le procureur Nicolas Barret, demandant que cette peine s'applique dès la condamnation, même si la triple candidate à la présidentielle fait appel.
Une telle peine "viendrait interdire aux prévenus de se présenter à des futures élections locales ou nationales", a précisé le procureur devant Marine Le Pen.
Un système “organisé” de détournement de fonds
Au fil de leurs réquisitions, les procureurs ont détaillé, mercredi, l'architecture d'un "système" qui a, selon eux, été mis en place au Front national (devenu Rassemblement national, RN) entre 2004 et 2016, consistant à embaucher des assistants parlementaires européens "fictifs" qui travaillaient en réalité pour le parti.
A l'époque, "le parti est dans une situation financière particulièrement tendue. Tout ce qui peut contribuer à l'allègement des charges va être utilisé de manière systématique", que ce soit "légal ou pas", a affirmé la procureure Louise Neyton.
Le Parlement européen ne fait que des "contrôles comptables". Pour le reste, il fait "confiance" aux eurodéputés quant à l'utilisation de leur dotation mensuelle de 21.000 euros : "Alors, c'est trop tentant, ces enveloppes vont apparaître comme une aubaine et être utilisées comme telles", a insisté la magistrate.
Et ce "système", dit l'accusation, va "se renforcer" avec l'arrivée, en 2011, de Marine Le Pen à la tête du parti, avec un salarié chargé de la gestion des contrats européens, qui rend compte "seulement" à la présidente, la "donneuse d'ordres".
Le Parlement européen a évalué son préjudice financier à 4,5 millions d'euros, mais n'en réclame que 3,4 (une partie ayant été remboursée).
Elan de solidarité
La sévérité des réquisitions a provoqué une vague de solidarité de l’extrême droite envers sa figure de proue, Marine Le Pen. Même les plus radicaux, qui la détestent, ainsi que l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ont exprimé leur soutien.
Par le biais des réseaux sociaux, le RN joue à fond son entreprise de victimisation. Chaque élu a été prié de trouver dans son album photo un cliché le mettant en scène avec Marine Le Pen, accompagné d’un mot doux à l’intention de la présidente du groupe à l’Assemblée nationale et de ce hashtag : #jesoutiensmarine. Ce dernier s’est très vite hissé dans les mots d’ordre les plus partagés sur le réseau social X.
Réagissant aux réquisitions, Marine Le Pen a déclaré : “Il y a une volonté du parquet de me priver et de priver les Français de voter pour qui ils souhaitent. L’objectif, c’est cela”.
Le Rassemblement national n’a, pour sa part, pas tardé à renouer avec ses attaques contre la justice. Son président, Jordan Bardella, a dénoncé une justice politisée et un complot visant à éliminer ses représentants. “Le parquet n’est pas dans la justice : il est dans l’acharnement et la vengeance à l’égard de Marine Le Pen”, a-t-il écrit dans un post sur X.