Après la décision du 10 janvier dernier de rompre le contrat d’association entre l’Etat et l’école, le recteur de la grande mosquée de Lyon a décidé d’envoyer une lettre au chef de l’Etat car cette rupture administrative met en péril un établissement vieux de 20 ans.
“Les parents sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants, des élèves sont également venus me voir pour me dire leur inquiétude. Cette fermeture est l’affaire de toute la communauté musulmane, on se sent mis à l’index”, résume Kamel Kabtane, le recteur de la grande mosquée de Lyon. La préfecture accuse l’école de proximité avec “la pensée des Frères musulmans”.
Le recteur répond en mettant en avant les 93% de réussite au baccalauréat dont 60% avec mention. Il rappelle que la direction de l’école a effectué les changements demandés par les inspecteurs. Un professeur a été remercié par exemple.
Pourquoi une rupture de l’association avec l’État ?
Le recteur de la grande mosquée de Lyon fait le parallèle dans sa lettre avec le lycée catholique Stanislas de Paris qui n’a pas été déconventionné malgré des propos et pratiques homophobes et sexistes dans ses cours. L’école a juste modifié les programmes pointés du doigt par les inspecteurs. “Une telle disparité de traitement ne peut que soulever des interrogations légitimes sur l'égalité de traitement entre les citoyens et les institutions de notre pays”, affirme le recteur.
Dans sa lettre, Kamel Kabtane rappelle les sacrifices des ancêtres de ces familles morts pour la France, ainsi que les victimes musulmanes des attentats de 2015 et dénonce une mise à l’index permanente des musulmans de France.
“Cette façon de traiter les musulmans est injuste. La majorité des gens veulent vivre en paix en France, mais on fait les frais d’une politique aujourd’hui qui tend à les exclure, à les écarter de tout. On fait l'objet d’accusations de la part des partis politiques, on est considérés comme une 5e colonne”, regrette le recteur de la mosquée.
Une cagnotte pour sauver l’école Al Kindi
Le groupe scolaire Al Kindi est situé dans la banlieue de Lyon à Décine-Charpieu et 617 élèves y sont scolarisés. La fin de l’association avec l’Etat est un coup dur car elle met l’établissement dans une situation financière compliquée. Cela met un terme aux subventions de fonctionnement et aux paiements des salaires des professeurs, ce qui représente 1,6 million d’euros par an.
L’école essaie, depuis, de s’organiser pour éviter la fermeture. Elle a lancé une cagnotte et l’annonce est claire : “Sauvez le groupe scolaire Al Kindi, le dernier groupe scolaire musulman de France!“.
C’est en effet le dernier groupe scolaire sous contrat avec l’Etat. Le lycée Averroès de Lille a perdu son agrément avec l’Etat en juillet 2024. A la rentrée scolaire de la même année, il a perdu une partie de ses élèves car les frais d’inscription ont été augmentés et il ne peut plus accueillir de boursiers.
170 000 euros ont été rassemblés grâce à la cagnotte, mais pour fonctionner, l'école a besoin d’un million d’euros. “Ce n'est pas qu'une décision administrative. C'est un message politique : on ne veut pas de la réussite des musulmans. L'excellence académique -3ème meilleur lycée de France en 2022- ne suffit pas quand on est musulman”, peut-on lire sur la page internet dédiée à la cagnotte.
Les écoles musulmanes sous pression en France
Le recteur de la grande mosquée de Lyon en appelle à la solidarité des musulmans de France. Il a demandé au Conseil des mosquées de France d'organiser une collecte dans tous les établissements religieux lors du premier vendredi du mois de Ramadan le 28 février. “Il y a besoin de solidarité”, insiste Kamel Kabtane.
En 2024, l’État a déconventionné le lycée Averroès de Lille. À la rentrée 2024, il a perdu une partie de ses élèves car il a dû doubler les frais de scolarité. Ne pouvant plus accueillir de boursiers, il a perdu, de ce fait, la moitié de ses élèves.
À Nice, le collège Avicenne a été menacé de fermeture mais la justice a annulé la décision de la préfète en août 2024.
L’école musulmane hors contrat "La lumière du savoir" de Corbeils-Essonne a fait appel de la décision de fermeture publiée par le Préfet de l’Essonne en juin 2024.