Manifestations des agriculteurs à Bruxelles / Photo: Reuters (Reuters)

Le 1er février déjà, plus d'un millier de véhicules agricoles avaient envahi les rues de Bruxelles en marge d'un sommet européen, en faisant l'épicentre de la colère qui secoue le continent.

Dès l'aube, il devraient être "au moins plusieurs centaines" de tracteurs, "entre 500 et 800", pour paralyser à nouveau le quartier européen, estime la Fugea, deuxième syndicat agricole wallon.

Aux côtés des principales organisations belges, des délégations d'Espagne, du Portugal et de la puissante confédération syndicale italienne Coldiretti sont attendues pour marteler leurs revendications près du Conseil européen.

Soucieux de désamorcer le mécontentement, les Etats membres avaient exigé de la Commission européenne un vaste chantier de "simplification" des règles de la Politique agricole commune (PAC).

Bruxelles a présenté de premières pistes, que les ministres examinent lundi: les obligations de maintien des prairies permanentes devraient ainsi être assouplies cette année pour les éleveurs en reconversion, afin qu'ils ne perdent pas de revenus.

De même, une tolérance serait accordée aux agriculteurs ne respectant pas les exigences de la PAC en raison d'épisodes climatiques extrêmes.

Enfin, les exigences de déclaration seraient allégées et un recours à l'imagerie satellitaire contribuerait à réduire "de jusqu'à 50%" les visites de contrôle.

"Prix justes"

Bruxelles a déjà entériné une dérogation partielle sur les obligations de jachères. Plusieurs Etats demanderont lundi des flexibilités semblables sur les obligations de rotation des cultures.

"La discussion lundi se focalisera sur ces mesures de court terme applicables très rapidement", souligne un diplomate européen, avant d'éventuelles révisions législatives de la PAC, plus complexes et qui impliqueraient les eurodéputés.

L'exécutif européen assure envisager de telles modifications législatives à "moyen terme" pour "réduire la charge" sur les exploitations.

En marge du salon de l'Agriculture à Paris, le commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski s'est même dit dimanche ouvert à rendre simplement "incitatives" certaines obligations vertes comme les jachères ou la rotation des cultures.

Pour autant, les organisations manifestant lundi jugent insuffisantes les mesures esquissées.

Elles exigent notamment l'"arrêt définitif" des négociations commerciales avec les pays sud-américains du Mercosur, Bruxelles ayant simplement reconnu que les conditions "n'étaient pas réunies" actuellement pour les conclure.

Surtout, elles réclament un "meilleur partage de la valeur" avec industriels et distributeurs. "Il faut garantir (aux exploitants) des prix justes et stables protégés de la spéculation", martèle la coordination paysanne alternative Via Campesina.

"Problèmes structurels"

"L'agriculture est dans un étau économique se resserrant chaque année", entre d'un côté l'inflation des prix des engrais et de l'énergie, et de l'autre la chute des prix de vente.

A cela s'ajoute que "les contingents de blé ukrainien coulent le marché", indique à l'AFP Vincent Delobel, éleveur de chèvres et administrateur de la Fugea.

Certes, Bruxelles a proposé des mesures de restriction des importations ukrainiennes, déjà approuvées par les Vingt-Sept et désormais discutées au Parlement européen.

Sans satisfaire le secteur agricole: sucre, volaille et oeufs ukrainiens seraient plafonnés, mais aux niveaux de 2022/2023, jugés beaucoup trop élevés, et cette restriction ne concerne pas les céréales.

Le sujet reste explosif: après avoir paralysé la frontière ukrainienne, des agriculteurs polonais en colère ont commencé à bloquer dimanche un important poste frontalier avec l'Allemagne.

Vincent Delobel dénonce "la loi de la jungle au niveau des prix": "On n'arrive pas à en vivre. Et les primes de la PAC viennent juste en perfusion".

AFP