L'usine Renault en Algérie est prête à fonctionner depuis 5 années (Renault)

Le 20 janvier 2025, le port d’Alger a reçu pour la première fois une cargaison de 2500 vaches de race Holstein en provenance d’Irlande. L’information aurait pu passer inaperçue s’il ne s’agissait pas de génisses habituellement importées de France. Mais dans un contexte de dégradation des relations entre l’Algérie et la France, cette information résonne comme un nouveau désaveu des autorités algériennes qui s’éloignent ainsi davantage des importations françaises.

De prime abord, le choix de l’Irlande répond d’abord à des impératifs économiques. “Le choix de l’Algérie de délaisser les bovins français au profit des vaches irlandaises reflète une volonté de diversification économique et d’optimisation des ressources agricoles”, estime l’expert en questions stratégiques Arslane Chikhaoui à TRT français. “En misant sur des races plus performantes et sur une coopération renforcée avec l’Irlande, le pays espère combler son déficit en production laitière et renforcer son indépendance alimentaire”, a-t-il ajouté.

Des vaches qui pèsent lourd dans les statistiques

Et cela a un autre impact, économique. Pour avoir un ordre d’idée des pertes françaises, on peut citer les chiffres de l’Office national algérien des Statistiques (ONS) qui montrent que l’Algérie avait importé en 2022 plus de 170 millions d’euros d’animaux vivants, plus de 50 millions d’euros en laitages et plus de 900 millions d’euros de blé.

Plus globalement, les exportations françaises vers l’Algérie étaient de 4,51 Milliards d’euros en 2022.

Selon la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française, ce chiffre était d’environ 4,2 milliards d’euros, dans le même temps, l’Algérie exportait pour plus de 7 milliards d’euros, essentiellement du gaz et du pétrole.

Dans ce contexte, l’argument de l’indépendance alimentaire a du mal à résister aux faits. Le changement de fournisseurs ne concerne pas que les vaches laitières.

Mais l’Algérie préfère désormais acheter ailleurs le blé, les voitures, les médicaments et d’autres produits.

En octobre dernier, le pays avait exclu le blé français et les entreprises qui importaient cette denrée de son appel d’offres pour acheter la céréale française, qui constitue l’aliment de base des Algériens.

L’information a été confirmée, mi-janvier, par le président du Conseil spécialisé en marchés céréaliers, FranceAgriMer, Benoît Piétrement, “le marché algérien est presque complètement fermé à l’origine française” malgré le fait que “les exportateurs français continuent à proposer des offres, mais l’Algérie ne procède à aucun achat de blé français”.

Tous domaines confondus

Arthur Portier, analyste du cabinet Argus Media France (ex-Agritel), évoque pour le journal Le Monde un temps où “les meuniers algériens écrasaient plus de blé français que leurs homologues en France”. Il note que plus récemment, en 2017, 53 % des volumes de blé de l’Hexagone, écoulés hors de l’Union européenne, partaient en Algérie. Ce taux est passé à 18 % au cours des années 2023 et 2024. Désormais, “il n’y a pas d’exportation vers l’Algérie pour le moment”, constate Benoît Piétrement de FranceAgriMer

En plus des importations, l’Algérie ambitionne de développer sa production locale des produits stratégiques comme le lait et les céréales. Là aussi, le choix a été fait de diversifier les partenaires étrangers en optant pour des capitaux qataris, l’expertise italienne et américaine en plus des investisseurs nationaux. Des opérateurs turcs sont aussi de la partie. Pour cela, de mégas-projets d’exploitations de grandes surfaces dans le Sahara sont lancés depuis l’an dernier dans le but de réduire les importations et de sécuriser le pays dans des produits stratégiques.

Renault, une usine fermée depuis 5 ans

Ce revirement ne concerne pas que les produits agricoles français. Pour développer son industrie automobile, l’Algérie a noué un partenariat avec la firme italienne FIAT, qui est certes filiale du groupe Stellantis qui regroupe également les constructeurs français Peugeot et Citroën. Cela se fait au détriment du Français Renault dont l’usine de Oued-Tlélat (Ouest) est prête depuis une dizaine d’années. Elle est fermée depuis au moins 5 ans. “Renault a fait le nécessaire pour se mettre aux nouvelles normes imposées par le gouvernement algérien et donc, ils sont en attente de l'autorisation. Il faudrait que les politiques français prennent conscience de la réalité de la relation.”, s’alarme Michel Bisac, le président de la Chambre de commerce algéro-française.

Dans le domaine de l'Énergie, les Américains mais aussi les Allemands et les Italiens sont devenus les nouveaux partenaires stratégiques de l’Algérie. Un protocole d’accord a d’ailleurs été signé la semaine dernière dans ce sens entre la compagnie américaine Chevron et la compagnie algérienne Sonatrach pour la production des hydrocarbures en offshore.

Pour les autorités algériennes, la diversification de la coopération économique est une stratégie assumée. S’exprimant à propos de l’Italie, le président Abdelmadjid Tebboune avait salué le fait que c’était un pays “qui ne mêlait pas la politique aux affaires”.

Une manière de rappeler qu’avec la France, on ne peut pas dissocier la coopération économique des crises diplomatiques que connaissent les deux pays de manière cyclique.

TRT Francais