Le président français Emmanuel Macron a annoncé, mardi dernier, qu'il allait coprésider avec le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, une conférence sur la création d'un État palestinien en juin 2025.
‘’On a décidé de coprésider pour juin prochain (...) une conférence pour les deux États (l'un israélien, l'autre palestinien) avec l'idée que dans les prochains mois, ensemble, on multiplie et on fédère nos initiatives diplomatiques pour emmener tout le monde sur ce chemin’’, a dit le dirigeant français à des journalistes au deuxième jour de sa visite d'État en Arabie saoudite.
Interrogé sur une reconnaissance d'un État palestinien par la France, Emmanuel Macron a insisté sur le fait qu'il avait la ‘’volonté de le faire’’ mais ‘’au moment utile (c'est-à-dire) où ça déclenche des mouvements réciproques de reconnaissance’’.
‘’On souhaite entraîner plusieurs autres partenaires et alliés, européens et non européens, qui sont prêts à aller dans cette direction mais qui attendent la France’’, a-t-il expliqué.
Il est question, en outre, pour le chef de l’État de ‘’déclencher, ce faisant, un mouvement de reconnaissance en faveur d'Israël qui permettra aussi d'apporter des réponses en termes de sécurité pour Israël et de convaincre que la solution des deux États est une solution qui est pertinente pour Israël même’’.
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Grand écart
Alors que plusieurs pays européens comme l’Espagne, l’Irlande, la Norvège et la Slovénie ont déja reconnu l’Etat palestinien, la France continue de tergiverser.
Depuis le 7 octobre, la France n’a cessé d’adopter une politique de grand écart face au conflit israélo-palestinien.
Ce regain soudain d’empathie pour le sort des Palestiniens soulève la question de savoir s’il ne s’agit pas, une fois de plus, d’une stratégie de communication de la part du président français, cherchant à ménager la chèvre et le chou.
À la suite des attaques du 7 octobre par le Hamas, Emmanuel Macron a été l’un des premiers chefs d’État à se rendre en Israël pour témoigner de sa “pleine solidarité” avec le pays et avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, que Macron n’a pas hésité à appeler familièrement “cher Bibi”, lors de leur conférence de presse.
Macron avait, par ailleurs, proposé d’élargir le champ d’action de la coalition internationale contre Daech, dans laquelle la France est engagée en Irak et en Syrie, pour inclure la lutte contre le Hamas.
Cette position de deux poids deux mesures a suscité de vives critiques, notamment de la part d’Amnesty France, qui a rappelé que le président français devait également condamner les attaques “indiscriminées” et les “crimes de guerre” des forces israéliennes contre les civils à Gaza.
De son côté, Jean-Luc Mélenchon, chef de La France insoumise, avait lui aussi fustigé les déclarations de Macron, affirmant que celles-ci avaient “humilié la France”.
De la condamnation à la volte-face
Le 10 novembre, lors d'une interview accordée à la BBC, Emmanuel Macron avait surpris en prenant une position nettement plus critique à l'égard d'Israël, en rupture avec son discours antérieur de soutien sans réserve, ce qui avait été interprété comme une évolution importante de la posture diplomatique française dans la tragédie en cours.
Il avait dénoncé les bombardements israéliens qui visaient des civils à Gaza, déclarant : "De facto, aujourd'hui, des civils sont bombardés. Ces bébés, ces femmes, ces personnes âgées sont bombardés et tués. Il n'y a aucune justification et aucune légitimité à cela."
Le président avait également exhorté Israël à cesser ces attaques et insisté sur le respect des règles internationales de la guerre et du droit humanitaire. Mais c’était sans compter le coup de pression d’Israël qui allait s’ensuivre un jour plus tard et amener le président français à se rétracter.
Le Premier ministre Netanyahu a qualifié ces propos d'”erreur factuelle et morale”, tandis que la présidence israélienne a exprimé sa profonde “douleur et contrariété”.
Au lendemain de ce coup de pression, Macron a rapidement réajusté son discours, précisant, lors d'un entretien téléphonique avec le président israélien Isaac Herzog, qu'il ne visait pas Israël directement et qu'il “soutenait sans équivoque le droit et le devoir d'Israël à se défendre et a exprimé son soutien à la guerre menée par Israël contre le Hamas".
Livraisons d’armes
Les livraisons d'armes de la France vers Israël ont également fait l’objet de vives critiques.
A plusieurs reprises la pression s'est accrue de la part des parlementaires et des organisations non gouvernementales (ONG) sur la question des exportations d'armes françaises.
En février dernier, une lettre ouverte de l'ONG Amnesty International adressée au président français avait expressément demandé un "arrêt des livraisons d'armes et de matériels de guerre à Israël".
La lettre soulignait que la France avait la responsabilité de prévenir le génocide, impliquant de ne pas fournir à Israël des moyens facilitant des actes potentiellement génocidaires.
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Du ministère de la Défense aux entreprises privées, les liens de la France avec Israël dans le domaine militaire sont évidents.
Au cours des dix dernières années, les ventes d'équipements militaires à Israël ont atteint 208 millions d'euros, selon un rapport parlementaire de 2022.
Ce document indique que les exportations d'armes de la France vers Israël comprennent divers types d'armements tels que des bombes, torpilles, roquettes, missiles, ainsi que d'autres dispositifs et charges explosives, de même que les matériels et accessoires connexes, et leurs composants spécifiques.
Cette liste englobe des systèmes de haute technologie pour le guidage des missiles et des bombes, ainsi que des pistolets mitrailleurs.
Mandats d'arrêts : Paris botte en touche
Dernière volte-face en date : les mandats d'arrêts contre Netanyahu et Yoav Gallant.
L'émission par la Cour pénale internationale (CPI), le 21 novembre, de mandats d'arrêts pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité à l'encontre de Benjamin Netanyahu et de son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a également suscité un positionnement très flou en France.
‘’Fidèle à son engagement de longue date en soutien à la justice internationale, elle rappelle son attachement au travail indépendant de la Cour, conformément au Statut de Rome’’, avait d’abord indiqué le Quai d’Orsay dans un communiqué publié au lendemain des mandats d'arrêts.
Or, concernant la possibilité d’une arrestation de Benyamin Netanyahu en France, le Quai d’Orsay s'est contenté d’affirmer qu’il s’agissait d’une ‘’question juridiquement complexe’’ nécessitant une analyse approfondie.
Plus tard, pressée de questions pour savoir si le dirigeant israélien pourrait être arrêté, la France a été le premier pays à avoir évoqué une "immunité", quand l'Italie ou le Royaume-Uni ont immédiatement annoncé qu'ils respecteraient leur engagement auprès de la CPI.
Ainsi, après toute cette politique de grand écart, qui a suscité des critiques autant en France qu’à l’international, il reste à voir si cette conférence sur la reconnaissance de la Palestine coprésidée par la France, n’est pas un nouveau coup de communication visant à faire un écran de fumée sur des positions antécédentes peu glorieuses.