La tonne de cacao s’affichait à 3 500 dollars (3 200 euros) en automne 2023 et atteignait 10 000 dollars (9 200 euros) fin mars. Ce n’est pas la conséquence d’une demande en hausse à cause de Pâques, mais plutôt le résultat d’une production en baisse. Une crise qui se profile depuis des années.
La Côte-d’Ivoire et la Ghana qui représentent à eux seuls la moitié de la production mondiale ont connu deux années de sécheresse importante en 2022 et 2023. Cette année, les pluies torrentielles ont favorisé le développement de la maladie, la pourriture brune, qui touche particulièrement le Ghana où 590 000 hectares sont touchés soit presque la moitié de la surface de production.
“C’est la première fois dans l’histoire qu’on atteint ces niveaux de prix-là” indique à TRT Français, Germain Salla le directeur de l’Institut des matières premières à Douala, au Cameroun. “C’est vrai qu’on scrute la météo et l’avancement de la maladie. Il y a beaucoup d'inquiétudes au Ghana. La Côte-d’Ivoire n’est pas encore touchée mais les deux pays sont voisins, donc on craint une propagation.”
Autre fléau qui touche le Ghana, l’exploitation sauvage des mines d’or. Des groupes armés n’hésitent pas à arracher les cacaoyers pour sonder le sol et laissent les producteurs sans ressources avec leur exploitation saccagée et polluée.
Résultat, la production de la région est en baisse, les récoltes de 2024 s’annoncent mauvaises. L’Afrique de l’Ouest a exporté 2,3 millions de tonnes de fèves de cacao en 2023, les prévisions pour 2024 tournent autour de 1,7 millions de tonnes. La production en Afrique de l’Ouest est sur le déclin depuis plusieurs années, souligne Steve Wateridge, un expert du secteur pour Tropical Research Services. Selon lui, “le Ghana va enregistrer ses pires récoltes des vingt dernières années, et la Côte d’Ivoire la pire en huit ans.”
Les chocolats de Noël seront chers
L’Union européenne a voté un règlement européen sur la déforestation qui doit entrer en vigueur le 31 décembre 2024. Il interdit l’importation de produits issus de la déforestation, or la production de cacao est l’une des cultures les plus dévastatrices pour les forêts. Le Ghana et la Côte d’Ivoire ont perdu plus de la moitié de leur forêt à cause de cette culture. “Si l’Union européenne ne revient pas sur son règlement, l’Afrique de l’Ouest va devoir changer ses modes de production.
Cela va prendre plusieurs années pour s'adapter,” met en garde Germain Salla.
Un arbre de cacao devient productif environ cinq ans après sa plantation, tout changement de mode de production va prendre du temps. Les lobbys de l’agroalimentaire s’affairent donc à Bruxelles pour obtenir un report de l’entrée en vigueur de ce nouveau règlement, le temps de trouver de nouvelles sources de production. Ce Un délai qui serait aussi le bienvenu en Afrique de l’Ouest, selon le directeur de l’Institut des matières premières à Douala: “C’est clair que si on cumule problèmes climatiques, la maladie et un règlement qui demande de grosses adaptations pour les producteurs africains, la production va baisser sensiblement et il pourrait y avoir une pénurie de fèves.”