Victor Castanet avait déclenché une vague d’émotion avec son livre sur les maisons de retraites, les fameux EHPAD. Cette fois, il radioscopie les crèches privées. Si vous avez des enfants en bas âge, vous connaissez le parcours du combattant qui vous tombe dessus: pas de nounou disponible, les crèches publiques sont débordées et les listes d’attente longues. Restent les crèches parentales où les parents donnent une journée par semaine de leur temps ou la crèche privée. Désespérés, les parents sont prêts à payer fort cher la garde de leurs chérubins.
Selon le gouvernement, la France compte 460 000 places d’accueil en crèche, dont 50 % relèvent des crèches publiques, 27 % des crèches privées et 23 % des crèches associatives.
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Un secteur privé en plein boom
Victor Castanet est parti des infractions constatées au sein du groupe People & Baby qui compte 630 établissements et est considéré comme le mouton noir du secteur. Les témoignages rapportés sont glaçants. Des plaintes de parents rapportent des violences physiques sur les enfants, des punitions dans le noir, des privations de nourriture. Un bébé est mort à Lyon en 2022 car la puéricultrice lui a fait ingérer du déboucheur WC pour le punir, mais c’est le fonctionnement général du secteur qu’il dénonce.
Ces dérapages signalés, la direction du groupe les impute à des actes isolés mais l’enquête du journaliste montre un système où on tire sur les coûts. Les employés travaillent en sous-effectif, travaillent parfois plus de huit heures d’affilée, la rémunération est faible, les équipements sont défectueux… dans ce contexte, les dérapages sont inévitables. Comme pour les Ehpad, les entreprises privées limitent le nombre de couches par enfant, cherchent à baisser les coûts à tout prix.
En 2023, l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) avait publié un rapport accablant sur le manque de crèches en France. Emmanuel Macron avait promis la création de 200 000 places d’ici à 2030, ce qui avait laissé dubitatif les professionnels du secteur.
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Les communes se tournent vers le privé, ça leur coûte moins cher
Comme pour les soins aux personnes âgées, quand le privé vient pallier un manque dans le public, quand une logique commerciale marque le pas sur le bien-être de l’enfant, les dérapages arrivent.
Le journaliste dénonce la complicité des communes qui alimentent le système. Elles se tournent vers le privé, et signent des délégations de service public (DSP) car cela est moins cher et plus rapide que de construire une crèche, et d’en assurer le fonctionnement.
Du côté des prestataires, le marché est juteux mais la concurrence est rude et c’est ainsi que la guerre des prix a conduit à des prestations low-cost avec des personnels non formés et des personnels qui changent régulièrement à cause des conditions de travail. Cela se traduit par des pratiques de rentabilité malheureusement très classiques: on rogne sur les repas, on rogne sur les couches, on inscrit plus d’enfants que de places disponibles etc…
Pourtant les crèches sont inspectées tous les deux ans environ, alors pourquoi n’y a t-il pas eu plus de fermetures de structures? Le journaliste est on ne peut plus clair: les élus locaux font généralement pression pour maintenir les crèches ouvertes malgré tout. Il manque 200 000 places de crèches en France et il manque 10 000 personnels de la petite enfance.