Le reconduction de Bernard-Henri Lévy, à la présidence du conseil de surveillance d'Arte France, malgré la limite d'âge atteint, soulève des questionnements quant à l’influence du philosophe pro-israélien sur la ligne éditoriale de la chaîne.
En septembre dernier, Bernard-Henri Lévy, philosophe pro-israélien, avait discrètement été reconduit à la présidence du conseil de surveillance d'Arte France pour un 8ème mandat.
À 75 ans, cette nomination est surprenante car elle enfreint les statuts instaurés en 2019 par la chaîne franco-allemande, qui fixaient une limite d'âge de 70 ans pour occuper ce poste.
En d’autre termes, Arte France a modifié ses statuts uniquement pour pouvoir reconduire BHL à la tête du conseil de surveillance.
La chaîne justifie ce choix en indiquant qu'elle s'aligne désormais sur le code du commerce, où aucune restriction d'âge n'est imposée pour ce type de fonction.
Il s'agit donc d'une entorse volontaire aux statuts afin de maintenir Bernard-Henri Lévy à son poste, bien qu’il y soit installé depuis 1993.
Une relation fructueuse
Bien que Bernard-Henri Lévy ne soit pas rémunéré pour ses fonctions de président du conseil de surveillance, il bénéficie du soutien indéfectible de la chaîne.
Comme le relève le site d'information L’Informé, Arte a participé au financement de plusieurs de ses œuvres cinématographiques. Depuis 1997, six films réalisés ou écrits par l'auteur ont reçu une aide financière de la chaîne.
Parmi les exemples notables, on peut citer Le Jour et la Nuit (1997), pour lequel Arte a contribué à hauteur de 172 000 euros, Peshmerga (2016) avec 250 000 euros, ou encore Pourquoi l'Ukraine ? (2022), avec un investissement de 100 000 euros.
En plus de ces projets personnels, Arte a aussi cofinancé douze productions de la société de BHL, Les Films du Lendemain, renforçant les liens étroits entre la chaîne et l’intellectuel.
Ce privilège exceptionnel n’a pas manqué d’attirer l’attention de députés LFI, comme Aymeric Caron.
Lors d'une récente commission parlementaire, Caron a soulevé la question de la gestion de l'audiovisuel public, en particulier la situation de Bernard-Henri Lévy.
Il a dénoncé la durée exceptionnelle de cette présidence –31 années et 8 mandats successifs– tout en pointant des modifications statutaires effectuées en 2019 et 2024 pour permettre à BHL de continuer à occuper cette position, malgré le dépassement de la limite d'âge.
Caron a également souligné un conflit d'intérêts manifeste, selon lui, concernant le soutien financier d'Arte à plusieurs œuvres de Bernard-Henri Lévy entre 2011 et 2022, pour un montant total de 750 000 €.
Il a jugé inacceptable qu'une personne présidant le conseil de surveillance d'une entreprise bénéficie à plusieurs reprises du soutien de cette même entreprise pour produire ses films.
En citant un article de Serge Halimi et Pierre Rimbert publié dans le Monde diplomatique, Caron a résumé la situation comme un “privilège d'ancien régime” et a appelé Bernard-Henri Lévy à démissionner.
Influence pro-israélienne sur Arte
Selon Serge Halimi et Pierre Rimbert aussi, ce renouvellement n’est pas seulement une question de règles internes assouplies pour convenir à une personnalité influente.
Bernard-Henri Lévy, en tant que président d'Arte, bénéficie du soutien de la chaîne pour diffuser ses propres documentaires, souvent critiqués pour leur approche “nombriliste”.
Son influence, qui dépasse largement la sphère culturelle, présente également une source d'inquiétude concernant la ligne éditoriale de la chaîne.
Fervent défenseur d'Israël, il occupe une place centrale dans les débats publics sur le Proche-Orient, notamment dans le cadre de la guerre israélienne à Gaza et la colonisation en Cisjordanie.
Récemment invité à promouvoir son livre Solitude d’Israël (2024), il a minimisé la colonisation israélienne, qualifiant les colonies de “trois caravanes en haut d’une colline”, alors que l’ONU considère ces actes comme des “crimes de guerre”.
En mars 2024, il avait publiquement soutenu l'idée d'une “coalition internationale contre le Hamas” aux côtés d’Israël, et a encouragé, d’autre part, l’envoi de troupes françaises en Ukraine.
Sa reconduction suscite donc des interrogations quant à l’orientation pro-israélienne de la chaîne.
Un exemple récent illustrant cette critique est le documentaire diffusé par Arte, intitulé Le système Hamas. Ce film, largement perçu comme adoptant une posture pro-israélienne, a fait beaucoup parler de lui et a provoqué de nombreuses réactions.
Nombreux sont ceux qui ont décelé dans ce documentaire un point de vue unilatéral, mettant en avant une représentation favorable à Israël tout en occultant ou minimisant les massacres et les conditions de vie des Palestiniens.
Cette nouvelle reconduction de BHL soulève des questionnements sur l’impartialité de la chaîne Arte, qui a, semble-t-il, jugé nécessaire de conserver un tel personnage à sa tête, malgré la limite d'âge et la réputation sulfureuse.