Rima Hassan, militante franco-palestinienne, fondatrice de l’Observatoire des camps des réfugiés (DR) (Others)

"Je suis réfugiée ici à Amman en Jordanie", lance d’emblée et avec un humour empreint de gravité, Rima Hassan.

"Les conditions ne sont plus réunies en France pour que je puisse poursuivre mon combat en toute sécurité”, assure à TRT Français la militante franco-palestinienne.

Malgré son épuisement, sa colère et sa déception, elle affiche un sourire empreint de détermination. "Hors de question pour moi de me laisser abattre", insiste-t-elle, soulignant son engagement continu envers la cause des réfugiés palestiniens.

Forbes France a justifié sa décision d'annuler la cérémonie de remise des trophées Forbes, prévue le 28 mars prochain, à l’hôtel Ritz à Paris, pour des raisons de “sécurité”.

L'événement en question, organisé chaque année, a pour objectif de récompenser 40 femmes ayant marqué l’année dans des domaines variés et qui ont fait “rayonner la France à l’international”.

La présence de Rima Hassan aurait compromis la tenue de la soirée. La raison ? Le magazine Forbes aurait cédé à la pression de quelques organisations et personnalités juives suggérant que la militante ne devait pas figurer dans le prestigieux classement.

Face à cette annulation, Rima Hassan exprime sa surprise devant les pressions subies par le magazine et regrette cette décision.

"Je ne m'attendais pas à être ciblée”, a-t-elle déclaré, soulignant sa perplexité quant à la controverse entourant sa distinction. Elle souligne pourtant que son identité de réfugiée palestinienne était indissociable de son parcours et donc de son engagement politique.

Plainte contre Arthur

Parmi ses détracteurs, figure l’animateur français Arthur, qui l'a notamment accusée d’antisémitisme.

“Ne soyez pas étonné de voir dans le classement Forbes France l’antisémite Rima Hassan mise à l’honneur parmi les 40 femmes de l’année 2023. L’antisémitisme et l’apologie du terrorisme sont les nouveaux symboles de réussite chez Forbes”, a écrit il y a quelques jours Arthur sur Instagram.

Ces accusations, renseigne Rima Hassan, font suite à la diffusion d’un extrait d’une interview realisée avec le media +Le crayon+ durant laquelle il était notamment question de parler du conflit israélo-palestinien. Selon elle, ses propos ont été manipulés pour la discréditer.

La juriste souligne que ses réponses sur le Hamas et sa légitimité “ne justifient absolument pas les accusations d'apologie du terrorisme” et rejette les accusations d'antisémitisme, affirmant qu'elles sont “diffamatoires”.

“J’ai toujours appelé à ne pas essentialiser la communauté juive à l'État d'Israël et même de ne pas essentialiser tous les Israéliens à l'État d'Israël, au régime de Netanyahu. Je fais partie de ceux qui relaient des manifestations du Bloc radical à Tel Aviv, qui dénonce le génocide en cours et organise des manifestations en Israël. Et je fais vraiment partie de celles et ceux qui essayent aussi de visibiliser les voix progressistes en Israël”, insiste-t-elle.

Rima Hassan a indiqué avoir porté plainte contre l’animateur français pour diffamation.

Interrogée sur d'éventuels contacts avec Forbes France pour obtenir des clarifications, la militante explique avoir eu un entretien avec le PDG Dominique Busso. "J’ai été très claire lors de cet entretien: si l'événement avait lieu, je serai coûte que coûte présente. Autrement, ça serait de la discrimination", affirme-t-elle.

Peu de temps après, l'événement a été annulé.

Dominique Busso a exposé à la jeune femme la situation délicate dans laquelle se trouvait la version française du magazine américain. "Le climat était très tendu pour nous, c'était la première fois qu'on était autant ciblés sur les réseaux sociaux", lui aurait-il expliqué.

La fondatrice de l’Observatoire des camps des réfugiés a par ailleurs adressé un message à ses détracteurs affirmant que ces derniers “n’avez rien gagné puisque je suis toujours dans le classement. Je suis toujours promue par Forbes”, insiste-t-elle.

La palestine, une cause profondément enracinée

Juriste de formation, Rima Hassan est née en Syrie dans le camp de Neyrab en banlieue d’Alep.

Arrivée en France à l’âge de 9 ans, elle a été naturalisée en 2010. Elle a fondé en 2019, l’Observatoire des camps de réfugiés et en 2023, le collectif Action Palestine France.

Depuis de nombreuses années, elle milite sans relâche en faveur des droits des réfugiés palestiniens. La reconnaissance de Forbes représentait beaucoup pour elle, soulignant son désir de "visibiliser des personnes qui, comme moi, viennent de lieux qui sont complètement invisibilisés, dont on n’entend jamais parler."

Depuis la récente offensive israélienne sur Gaza, elle a continué à dénoncer l’apartheid et le génocide dont sont victimes les Palestiniens.

Rima Hassan dénonce avec véhémence le deux poids deux mesures en France concernant le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien. "Ma parole n'est pas mise au même plan que celle d'une voix pro-israélienne", déplore-t-elle.

“Je suis toujours sujette à mille et une justifications pour que ma parole soit audible. Depuis le 7 octobre, on a eu systématiquement sur les chaînes d'information en continu en France des représentants de l'armée israélienne qui nous expliquaient pourquoi il fallait raser Gaza…”, dénonce la jeune femme.

“On a eu des débats lunaires qui consistaient à débattre, à discuter si une vie valait une vie”, ajoute-t-elle.

Rima Hassan assure, la voix tremblante, qu’elle a vraiment vécu ce deux poids deux mesures dans sa chair “comme des violences coloniales, c'est-à-dire de la remise en question véritable de ce que nous sommes, de notre humanité, de nos droits fondamentaux et de l'incapacité aux pays occidentaux de nous considérer dans une perspective d'égalité. C’est inacceptable."

Le nom de Rima sur un obus israélien envoyé à Gaza

Selon la militante, “le climat en France est aujourd'hui très problématique pour les voix palestiniennes, voire, dangereux”.

Parmi les facteurs qui l'ont poussée à partir "précipitamment" pour la Jordanie, les menaces et les intimidations dont elle a été victime. La juriste assure avoir reçu plusieurs menaces de viol et de mort. "Mon nom a été mis sur un obus israélien envoye a Gaza", révèle-t-elle, regrettant l'absence de réaction des autorités en France.

Déterminée à poursuivre son combat, Rima Hassan prend aujourd’hui la plume pour écrire un livre sur son engagement dans le but de faire entendre sa voix alors que les tentatives pour la faire taire persistent.

Quant à l'événement annulé par Forbes, elle donne rendez-vous à ses “soutiens en mars prochain à Paris pour une contre-soirée” durant laquelle elle célébrera dignement son engagement pour la cause des réfugiés palestiniens et pour dénoncer le génocide en cours à Gaza.


TRT Francais