Après le départ d’une cinquantaine de membres de son gouvernement, et l’appel de plusieurs ministres à la démission, le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé sa démission de la tête du parti conservateur dans une adresse au pays.
Johnson restera en poste de Premier ministre jusqu’à ce qu’un nouveau leader du parti soit désigné pour prendre sa place. Lors de son allocution Johnson a remercié les membres de sa famille, les fonctionnaires, les organes du parlements, les membres du parti conservateur et ses équipes.
La valse des démissions a commencé mardi soir quand les ministres de la Santé Sajid Javid et des Finances Rishi Sunak ont annoncé leur démission, lassés des scandales à répétition qui secouent le gouvernement depuis des mois. S’en est suivi une cinquantaine de démissions de membres du gouvernement.
L’appel à la démission
"Nous devons demander que, pour le bien du parti et du pays, vous vous retiriez", ont écrit au Premier ministre britannique les secrétaires d'État Kemi Badenoch, Neil O'Brien, Alex Burghart, Lee Rowley et Julia Lopez. Le ministre des Finances Nadhim Zahawi et le ministre de la Défense Ben Wallace ont aussi appelé Johnson publiquement à démissionner.
Sa cote de popularité était passée de 66% d’opinions favorables en avril 2020 à 23% fin juin (baromètre YouGov), alors qu’entre 69% et 72% des Britanniques souhaitaient sa démission, selon deux sondages cette semaine.
Sur tous les sujets intérieurs ( inflation, immigration, impôts, logement, économie, santé, transports, Brexit, éducation, criminalité et environnement), une majorité des Britanniques pensaient que son gouvernement faisait du mauvais travail, à en croire les résultats d’un sondage YouGov.
Des scandales à répétitions
Johnson et son parti sont au centre de nombreux scandales depuis son arrivée au pouvoir en 2019. Déjà affaibli par l’affaire des fêtes illégales organisées à Downing Street pendant la pandémie, Johnson a survécu il y a quelques semaines à un vote de défiance de son propre camp.
En 2020, Johnson et sa compagne avaient décidé de rénover leur appartement de fonction. Alors que le budget dédié de fonds publics était de 30 000 livres, les travaux ont coûté 112 000 de livres sterling. Les travaux ont d'abord été payés par le Bureau du Cabinet, un organe du gouvernement dédié à ce type de dépenses, mais le parti conservateur a reçu 52 000 livres d'un membre du parti siégeant à la chambre des Lords pour payer les factures. Johnson a été par la suite accusé de corruption. Même si le Premier ministre a assuré avoir payé toutes les dépenses, le parti a payé une amende de 17 000 livres pour ne pas avoir déclaré la donation correctement.
“Partygate”, plus grand scandale du mandat
Le scandale qui a eu le plus de retombées a été celui des fêtes clandestines organisées au Downing Street alors que le confinement pour lutter contre le Covid-19 était imposé aux Britanniques. Accusé avec des membres du gouvernement d’avoir organisé une dizaine de fêtes clandestines entre mai 2020 et avril 2021, Johnson a d’abord défendu que les règles sanitaires avaient été respectées mais une enquête administrative a conclu que ces évènements n’auraient pas dû être autorisés. La police a infligé une amende à Johnson, une première pour un Premier ministre en exercice.
Le média britannique ITV New a récemment révélé que de nouvelles fêtes ont été organisées lors du second confinement. Cette info a ravivé l’indignation des députés qui ont soumis Johnson à un vote de confiance au sein du Parti conservateur. Plus de 40% des députés ont indiqué ne plus avoir confiance dans le Premier ministre, ce qui reflète l'ampleur du malaise que représente Johnson.
Scandales sexuels des députés conservateurs
En plus de ces scandales, se sont ajoutées plusieurs affaires à caractère sexuel au Parlement. Un député soupçonné de viol a été arrêté puis libéré sous caution mi-mai. L'un a été suspendu temporairement en mai 2021 pour comportements inappropriés et un autre a été suspendu en avril 2022 après une série d'accusations comprenant harcèlement sexuel et consommation de cocaïne. Un député a démissionné en avril dernier après avoir admis avoir visionné des vidéos pornographiques au Parlement et un ancien député a été condamné en mai à 18 mois de prison pour l'agression sexuelle d'un adolescent de 15 ans.
Chargé de la discipline parlementaire des députés conservateurs et accusé par plusieurs médias britanniques d'agressions sexuelles sur deux hommes, Chris Pincher a démissionné la semaine dernière. Après avoir défendu l'inverse, Downing Street a reconnu que le Premier ministre avait été informé dès 2019 d'anciennes accusations à l'encontre de Pincher, mais qu'il les avait "oubliées". Johnson a reconnu avoir fait une "erreur" en le nommant en février dans son gouvernement.
Des mots durs pour Johnson
Les ministres démissionnaires ont eu des mots durs envers le chef du gouvernement, mettant en cause son honnêteté. Devant les députés, Sajid Javid a détaillé les raisons de son départ, convaincu que Boris Johnson ne changerait pas : "Ça suffit", a-t-il lancé, avant que certains députés ne reprennent un "bye Boris" moqueur lancé par l'un d'eux.
"Un gouvernement décent et responsable repose sur l'honnêteté, l'intégrité et le respect mutuel - c'est avec un profond regret personnel que je dois quitter le gouvernement étant donné que j'estime que ces valeurs ne sont plus défendues", a lancé le ministre chargé de l'Irlande du Nord, Brandon Lewis, dans une lettre publiée sur Twitter et adressée à Boris Johnson.
"Il est fini", avait dit, sous couvert d'anonymat, un élu conservateur à propos de Boris Johnson. "Il ne devrait pas prolonger l'agonie. C'est irrespectueux envers ses collègues, son parti et son pays".
"Hier je vous ai supplié de (...) démissionner dans l'intérêt de notre parti et du pays. Vous nous avez mis dans une situation impossible", a écrit la ministre de l'Education Michelle Donelan dans sa lettre de démission.
De journaliste à Premier Ministre
La carrière de Boris Johnson a été marquée par d’innombrables scandales. En 1987 déjà, alors qu’il était encore journaliste stagiaire au Times, il a été rapidement renvoyé pour une citation “inventée”. De 1987 jusqu’à 1999, il rejoint le Daily Telegraph comme correspondant au début, avant d’être promu rédacteur en chef. Il travaille ensuite comme chroniqueur politique pour le Telegraph et le Spectator, écrit aussi des critiques automobiles pour le magazine GQ.
Sélectionné par le Parti conservateur, il est élu à la Chambre des communes en 2001 et remporte la mairie de Londres en 2008 et 2012. Il devient ensuite l'une des principales figures de la campagne du Brexit, puis chef de la diplomatie sous Theresa May, et la remplace comme Premier ministre en juillet 2019.
Le 23 juillet 2019, il est élu à la tête du parti conservateur face à Jeremy Hunt, et, le 24 juillet, il devient Premier ministre.