Durant la dernière campagne en vue des législatives anticipées en France, Eric Zemmour, l'une des figures de l’extrême droite, a promis d’être sans pitié pour l’immigration clandestine, en cas d'élection.
“ Ce sera tolérance zéro” martelait-il, soulignant que les migrants devraient “rentrer chez eux” car “ la France ne doit rien à l’Afrique”.
Un raccourci intellectuel qui s’effondre devant l’évidence des faits historiques, ignorés d’une bonne partie des Français.
Les Africains, nous enseigne l’Histoire, ont versé de leur sang pour la défense du drapeau tricolore.
En 1857, Napoléon III créa ce qu’on appela le corps des “tirailleurs sénégalais”. Dissous en 1960, il comprenait des soldats recrutés dans les anciennes colonies françaises d’Afrique, notamment des Sénégalais, des Soudanais (actuels Maliens), des Voltaïques (aujourd'hui Burkinabè) et des Ivoiriens.
Pour la gloire et la grandeur de la France, ils participèrent à toutes les campagnes coloniales.
Il en est ainsi de la mission Marchand (1896-1889) pour contester l’hégémonie britannique sur le Nil ou encore de la conquête du Maroc (1912-1934).
Pendant la deuxième guerre mondiale, ces combattants africains ont montré leur engagement dans la défense de la France.
Un dévouement pas toujours apprécié à sa juste valeur. Les anciens combattants français et leurs homologues africains ne sont toujours pas logés à la même enseigne, alors que les risques étaient égaux sur le terrain de bataille.
Le traumatisme de Thiaroye
La date du 1er décembre 1944 marque un traumatisme dans la mémoire collective de nombreux Africains.
Ce jour-là, à Thiaroye, au Sénégal, des soldats français ont tiré sur 1300 combattants africains, de retour de la deuxième guerre mondiale. Ils luttaient aux côtés des Français contre les troupes nazies.
Cette fronde destinée à revendiquer les arriérés de solde se solda par la mort d’au moins 70 combattants, selon les autorités françaises de l’époque.
Rompant avec une tradition de déni, Paris vient de reconnaître le massacre et a avoué que les six soldats étaient “ morts pour la France”.
Au-delà de ce traumatisme historique vu du continent comme une ingratitude, l’Afrique a été déterminante dans la libération de la France.
Occupée par l’Allemagne nazie en 1940, la France misa surtout sur ses colonies d’Afrique pour se libérer.
Dans la foulée de l’appel du général Charles de Gaulle de Londres, le 18 juin 1940, invitant les « Français qui veulent rester libres» à le suivre, suit celui de Brazzaville.
“Brazzaville, capitale de la France libre”
Le 26 octobre 1940 à Brazzaville, De Gaulle invite les Africains au ralliement afin de l’aider à vaincre l’ennemi allemand représenté par le gouvernement de Vichy.
Un appel entendu en Afrique équatoriale française (Tchad, République centrafricaine, Congo, Gabon, Cameroun).
Survient ensuite, la création du Conseil de défense de l’empire, une espèce de gouvernement en exil qui fait de Brazzaville la “capitale de la France libre”.
Outre la mobilisation des ressources économiques et financières (or, caoutchouc, bois et coton), de nombreux jeunes africains sont alors prêts à donner de leur vie pour libérer la France.
30 000 soldats issus “d’Afrique équatoriale française et d’Afrique occidentale française”, sont mobilisés pour une offensive en vue de la libération de la France de l’emprise de l’Allemagne nazie.
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Les 30 000 soldats africains se joignent alors aux 39 000 militaires français demeurés fidèles à de Gaulle. Ils affrontent et triomphent des forces italiennes en Libye ( à Koufra), Éthiopie et Tunisie. L’Italie était, alors, l'alliée de l’Allemagne nazie.
Après avoir triomphé des alliés de l’Allemagne en Afrique, les combattants africains rallient la Provence avant de faire jonction avec les autres troupes françaises en Normandie pour combattre l’Allemagne. Au bout du compte, l’Allemagne est vaincue et la France, libérée.
Pour autant, cette participation de l’Afrique à la libération de la France est occultée dans le récit national de la France. Nulle allusion n’y est faite dans les programmes scolaires. Dès lors, on peut comprendre, aujourd’hui, pourquoi un leader politique d'extrême droite, comme Eric Zemmour, peut déclarer à tort que “la France ne doit rien à l'Afrique”.