Une liste de 180 noms
L'affaire du milliardaire Jeffrey Epstein a été marquée par des révélations choquantes impliquant des personnalités de haut rang, notamment des princes, des artistes, des politiciens, et même des allégations de liens avec le Mossad, selon les nouveaux dossiers divulgués début janvier et plusieurs témoignages.
Les débuts de l'affaire remontent à l'arrestation d'Epstein en Floride en 2005 pour des accusations de relations sexuelles avec une adolescente de 14 ans.
Malgré les accusations multiples, Epstein n'a été reconnu coupable que d'abus sexuel en 2008, recevant une peine relativement légère de 13 mois.
Accusé d'avoir abusé sexuellement de dizaines de mineures, et d'avoir orchestré un réseau de prostitution, il a de nouveau été inculpé en 2019, avant d’être retrouvé mort en détention, peu avant son procés.
Une juge de New York a ordonné début janvier de révéler la liste de 180 noms de personnes -victimes, proches, complices présumés- liées au réseau du financier américain.
Les nouveaux dossiers divulgués ont mis en lumière les crimes d'Epstein et les personnes associées à lui, révélant des détails troublants.
Parmi les personnes impliquées, on retrouve entre autres, Ghislaine Maxwell, ex-compagne d'Epstein, Alan Dershowitz, avocat défendant Israël devant la CIJ, le prince Andrew, frère du roi Charles III d’Angleterre, le scientifique Stephen Hawking, l’acteur américain Kevin Spacey, mais aussi un certain Jean Luc Brunel, un Français propriétaire d'une agence de mannequins à Paris.
Epstein, et ses invités à Paris
La présence fréquente de Jeffrey Epstein à Paris a été révélée par un examen minutieux des registres de vols de 1995 à 2013 par une investigation de Radio France en 2019.
En 2001, il fait l'acquisition d'un somptueux appartement de 800 mètres carrés au 22 avenue Foch, aujourd'hui estimé à 7,8 millions d'euros dans son testament.
Selon son majordome, il séjournait plusieurs fois par an dans la capitale en compagnie de jeunes femmes, dont Virginia Roberts.
Cette dernière l'a accusé d'avoir fait d'elle l’une de ses esclaves sexuelles dès son arrivée à Paris en mars 2001, à l'âge de 17 ans.
Les registres de vol et le carnet d’adresse - le "carnet noir" - de Jeffrey Epstein révèlent d'autres prénoms féminins associés à des séjours éphémères. Une liste de noms sous l'intitulé "massage Paris" compte une trentaine de femmes.
Selon les explications fournies par l'intendant, ces femmes séjournaient quelques jours à Paris avant de repartir. Certaines accompagnaient Epstein lors de soirées mondaines dans la capitale.
Il faut noter que son appartement parisien comportait une salle de massage, tout comme ses résidences aux Etats-Unis, dans lesquelles il a sexuellement agressé plusieurs mineures.
Jack Lang, Bill Gates, prince Andrew
En 2012, Epstein est convié chez la princesse Bourbon des Deux-Siciles à Paris, qui organise une réception en l'honneur de Woody Allen. Des personnalités telles que Charles Aznavour et l'ancien ministre de la Culture Jack Lang sont également présentes.
Lang se souvient d'Epstein, toujours entouré de jeunes femmes. Les deux hommes se sont retrouvés à Paris le 29 mars dernier lors d'un colloque sur les 30 ans de la pyramide du Louvre, où Epstein souhaitait rencontrer Lang.
L'appartement luxueux de Jeffrey Epstein servait également de lieu de réception pour des personnalités connues. Jack Lang reconnaît y avoir été invité à dîner, tout comme Steve Bannon, l'ex-conseiller de Donald Trump, qui aurait séjourné chez Epstein en octobre 2018.
C'est pendant ce séjour que Bannon aurait rencontré Marine Le Pen le 11 octobre à Paris.
La femme du majordome affirme qu’il venait chez Epstein lorsqu’il devait rencontrer Marine Le Pen, mais la porte-parole de Bannon nie cette information, affirmant que son patron séjourne systématiquement à l'hôtel Bristol à Paris.
Bill et Melinda Gates auraient également visité le 22 avenue Foch. Le majordome mentionne avoir pris “soin d'eux” et leur avoir cuisiné un “soufflé aux œufs pochés”.
Une porte-parole de Gates affirme que toute insinuation quant à une relation d'affaires ou personnelle entre Jeffrey Epstein et le couple Gates est totalement fausse, bien que le fondateur de Microsoft soit répertorié à plusieurs reprises dans les registres de vol d'Epstein.
Parmi les invités fréquents du 22 avenue Foch, figurait également le prince Andrew, accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec Virginia Roberts alors qu'elle avait 17 ans.
Le majordome rapporte avoir vu le prince Andrew plusieurs fois dans l'appartement, où il aurait pris ses quartiers plusieurs jours en l'absence d'Epstein.
Jean-Luc Brunel
Jeffrey Epstein avait des associés dédiés à recruter des lycéennes et jeunes femmes vulnérables dans chacune de ses résidences, dont l’un d’entre eux se trouve être Jean-Luc Brunel.
Après l'inculpation d’Epstein en 2019, les enquêteurs français de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) ont porté une attention particulière à l'égard de Jean-Luc Brunel.
Fréquemment mentionné dans le dossier américain par des victimes, Brunel, proche du milliardaire, était à la tête de deux agences de mannequins : Karin Models à Paris et MC² Model Management, fondée en 2004 à New York, Miami et Tel Aviv.
Il était soupçonné d'avoir activement participé à l'organisation d'Epstein pour exploiter sexuellement des mineures.
Virginia Roberts-Giuffre, l'une des plaignantes principales dans l'affaire Epstein, affirme avoir été contrainte d'avoir des relations sexuelles avec Brunel à plusieurs reprises.
Dans la première procédure aux États-Unis, close en 2007, deux femmes l'accusaient de jouer le rôle d'entremetteur pour Jeffrey Epstein, recrutant aux États-Unis des jeunes filles issues de milieux modestes en leur promettant des opportunités dans le mannequinat.
Selon les dires de Virginia Giuffre, Brunel aurait même "offert" trois mineures à Epstein pour son anniversaire.
Trois autres victimes se sont aussi manifestées en France après l'arrestation puis le suicide supposé de Jeffrey Epstein en prison. Elles ont été auditionnées par les enquêteurs les 27 août, 3 et 9 septembre 2019, selon le parquet.
En réponse à des signalements de potentielles victimes françaises, le parquet avait ouvert en août une enquête pour "viols" et "agressions sexuelles", notamment sur mineures.
Dans une correspondance adressée au procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, l'une de ces victimes, interrogée lundi par les enquêteurs, allègue avoir été droguée et violée par Jean-Luc Brunel dans un appartement parisien au début des années 1990 alors qu'elle venait d'atteindre la majorité.
Selon son récit, plusieurs mannequins résidaient dans cet appartement situé avenue Hoche, à proximité des Champs-Élysées, et des réceptions y étaient organisées "quotidiennement" avec la présence "de riches hommes d'affaires accompagnés de très jeunes filles".
Jean-Luc Brunel avait été mis en examen et écroué en France en décembre 2020, avant d'être retrouvé mystérieusement “suicidé” dans sa cellule en février 2022, tout comme Jeffrey Epstein.
Depuis le nouveau tournant dans l’affaire Epstein avec la révélation des 180 noms par la justice américaine, les avocats de Jean-Luc Brunel ont demandé mardi dernier, une enquête sur son “suicide”, tout en denonçant des "dysfonctionnements majeurs" dans la justice française.
À mesure que les éléments du dossier Epstein se précisent, il semble que cette affaire va continuer à susciter des répercussions à l'échelle mondiale.