La nageuse palestino-américaine Valerie Tarazi s'apprête à concourir aux Jeux olympiques, sous les couleurs de la Palestine. / Photo: Reuters (Reuters)

Elle a laissé au village olympique son bonnet de bain sur lequel les lettres de son nom de famille “Tarazi” sont floquées sous le drapeau palestinien. Mais c’est avec son t-shirt arborant fièrement l’inscription “Palestine” et les couleurs du keffieh jusqu’au bout des ongles que Valerie Tarazi est venue à la rencontre de TRT Français. Ce qui ne manquera pas d’attirer l’attention de certains passants émus de voir une athlète représenter la Palestine et qui n’auront de cesse de lui demander une photo, un exercice auquel elle se plie tout sourire.

Âgée de 24 ans, cette nageuse, née à quelques kilomètres de Chicago, aux Etats-Unis, raconte son attachement au pays de son grand-père : “Les racines de la famille Tarazi sont très profondes. Nous avons retracé l’histoire de la famille Tarazi et nous sommes remontés jusqu‘à l’an 400. Ma famille possède des biens à Gaza depuis 1755. Nous sommes une des plus anciennes familles chrétiennes de Palestine.”

Petite-fille de Kamal Tarazi, qui est né et a grandi à Gaza avant de poursuivre ses études aux États-Unis, Valerie a commencé à nager à l’âge de trois ans, avant de rejoindre un club local. “Dès mes 12 ans, je nageais deux fois par jour, tous les jours. J’ai toujours aimé ce sport. Et me voilà, représentant la Palestine aux Jeux olympiques. Pour moi, c’est un rêve que j’ai toujours nourri.”, explique-t-elle.

Un enjeu sportif décuplé

C’est en 2023 que Valerie se met à représenter la Palestine. En Algérie, lors des Jeux panarabes en juillet dernier, elle cumule les médailles pour sa première compétition internationale. “Le premier soir, j’ai gagné deux médailles d’or et j’ai continué avec trois médailles d’argent et une médaille de bronze. Il n’était plus seulement question de moi, de mes objectifs et de ma famille. Je représente toute une nation.”, nous dit-elle.

Alors que les bombes israéliennes s’abattent sans fin sur les villes et les camps gazaouis, l’enjeu sportif est décuplé. Invitée par le comité international olympique pour représenter la Palestine lors de l’épreuve du 200 mètres 4 nages qui aura lieu le 2 août, la nageuse olympique, jusqu’alors guidée par une quête personnelle de médaille, se sent investie d’une mission dont elle est honorée. “C'est toujours un honneur pour moi d'avoir le drapeau sur mon bonnet, chaque jour. Mais maintenant, cela signifie tellement plus parce qu’il y a des gens qui se battent pour leur vie tous les jours. Chaque occasion que nous avons de parler aux médias, de hisser le drapeau ou même simplement de raconter nos histoires à d'autres athlètes, cela compte beaucoup”, explique-t-elle.

Déterminée à porter la voix des Palestiniens lors de cette compétition internationale, la Palestino-Américaine a également décidé d’y consacrer ses études. Après avoir obtenu un master en chaîne d’approvisionnement, elle prépare à présent un doctorat en chaîne d'approvisionnement humanitaire, dont la thèse portera sur l’acheminement de l’aide à Gaza et dans d'autres régions du monde.

“Chaque jour est difficile”

En octobre dernier, alors que les premiers chars israéliens entrent dans la bande de Gaza, Valerie rentre de Chine où elle a pu concourir avec la délégation palestinienne pour les Jeux asiatiques. Si c’est aux États-Unis qu’elle pose son sac, c’est le théâtre des massacres qu’une partie de ses coéquipiers gazaouis regagnent. Et pas moins d’une semaine plus tard, elle reçoit un appel qui lui fait prendre conscience de l’ampleur de la situation avec l’annonce de la mort de son coéquipier, Ibraheem Qoseaa, joueur de beach-volley. “C'était la première fois que ça me touchait autant. On lève le drapeau pour des gens comme lui.”, confie-t-elle.

Les annonces ne cesseront de se multiplier avec le bombardement de l’église que fréquente sa famille et avec la mort de cinq proches en moins d’un mois. “Chaque jour est difficile parce que nous regardons les informations et nous entendons parler de toutes les choses horribles qui se passent. Et c'est soit un entraîneur, un membre de la famille ou l'ami d’un proche qui meurt. C'est une réalité si dure à vivre. Il y a très peu de pays dans le monde qui doivent faire face à ça chaque jour. Mais c'est un honneur pour moi d'être ici et de pouvoir hisser le drapeau pour eux et de concourir pour eux.”, affirme-t-elle une pointe d’émotion dans la voix.

Pas moins de 400 athlètes, bénévoles et employés du monde sportif palestiniens ont été tués, selon le comité olympique palestinien. D’autres membres de la délégation ont été dans l’impossibilité de s’entraîner ou de voyager en raison des restrictions et des bombardements israéliens. Quant aux infrastructures sportives de Gaza, elles ont été détruites par l’armée israélienne. “Pratiquer un sport est un droit humain et nous avons de la chance parce que nous pouvons le faire presque tous les jours de notre vie. Mais les enfants à Gaza et en Cisjordanie n'ont pas ce droit. Ils ne peuvent pas simplement sortir et jouer.” regrette-t-elle.

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