Il a fallu la convaincre. "On m'a dit de la rajouter, au début je ne voulais pas, c'était difficile, et puis le livre était déjà fait. Mais cet épisode est arrivé... C'est très difficile d'en parler", soupire-t-elle.
Elle a fini par accepter d'ajouter un épilogue dans "Et à la fin, on gagne" (Fayard), paru mercredi, où elle évoque ces accusations qui ont conduit un de ses jumeaux, Mathias, en prison, pour des soupçons d'extorsion en bande organisée contre le petit-frère, Paul.
Selon Yeo (52 ans), dans ces affaires de chantage, l'aîné est tombé dans "un piège, il a été manipulé, braqué par des personnes qui étaient proches de nous. On s'est senti trahis", soupire-t-elle.
"Ce sont de gros, gros requins", attisés par "la jalousie extrême", lâche-t-elle.
Mais elle avait surtout envie de parler d'autre chose dans sa biographie, une idée poussée par ses fils (il y a aussi Florentin, le jumeau de Mathias), et notamment de foot.
"Bien sûr que j'ai joué au foot!"
Yeo Moriba décrit "une famille liée par une même adoration, celle du ballon rond, auquel nous devons tant". Dans une scène du livre, écrit avec la journaliste Clémence De Blasi, elle bluffe ses garçons en leur montrant qu'elle tripote parfaitement le ballon.
"Quand je leur ai raconté que j'avais joué au foot ils m'ont dit: +Comment ça?+. Mais bien sûr que j'ai joué au foot", rigole-t-elle, "j'étais capitaine de mon équipe, à l'époque c'était la première fois que des filles jouaient (en Guinée). Ça les a épatés, c'est un très bon souvenir. Je jouais souvent avec eux" à Roissy-en-Brie, où ils ont grandi.
Son histoire ressemble à celle d'autres femmes venues d'Afrique en France, comme elle à 19 ans, pour épouser le père des enfants, Antoine, prof d'électronique, la cinquantaine à l'époque.
La mère des Pogba, qui a aussi adopté deux de ses nièces, voulait par cet ouvrage "passer un message: nous, les femmes, il faut nous battre, ne pas se décourager parce que tu n'as plus le mari" en soutien. Elle a divorcé du père de Florentin, Mathias et Paul, décédé en 2017.
"Le clan Pogba sera toujours là"
Son récit reste "positif, il ne faut pas s'alarmer, il faut être courageux. Si tu perds le courage, tu ne peux rien faire", commente-t-elle.
Quand elle raconte les petits boulots, Yeo n'insiste pas non plus sur les heures difficiles. Caissière, femme de ménage, "femme de chambre aussi", ajoute-t-elle, "c'était le week-end, du côté de Pontault(-Combault), et le week-end il n'y avait pas de bus, ou un très long temps d'attente, alors je marchais".
"Il fallait que je travaille pour m'occuper de mes enfants, je n'avais pas d'autre solution", résume-t-elle en écartant les bras.
Elle trouve enfin une place qui lui plaît, dans un institut pour personnes handicapées, mais "je ne suis pas restée parce qu'il fallait que j'aille voir Paul de temps en temps, il était parti déjà à Manchester (United, son club en Angleterre), je demandais des permissions. Finalement on m'a obligé à démissionner".
Yeo ne s'étend pas sur le racisme. "Il faut l'accepter, on sentait un peu de racisme, pour certains boulots, on voyait qu'on donnait la préférence aux Français de souche plutôt qu'aux immigrés", résume-t-elle.
Les enfants, eux, ne l'ont pas subi, "je ne crois pas trop", se souvient-elle.
L'apothéose reste le titre de champion du monde, en 2018, qu'elle fête sur la pelouse, trophée dorée en main, une photo en bandeau sur le livre. "On n'a pas senti la pluie tellement le bonheur était là", résume-t-elle, une étincelle dans les yeux.
Ce grand souvenir en tête, elle veut rendre justice à ses "deux fils", insiste Yeo.
"Le clan Pogba sera toujours là", conclut-elle, ferme. "Ça s'arrangera toujours, c'est la famille, ce sont des frères de lait, ils se tiendront toujours la main".