"Je viens acheter ce téléphone pour mes parents qui sont au village et ne savent ni lire ni écrire", explique Floride Jogbé, séduite par les campagnes de publicité relayées sur les réseaux sociaux.
Pour 60.000 FCFA (environ 90 euros), la jeune femme s'est laissée convaincre par la promesse d'un smartphone plus simple d'utilisation.
Des opérations de la vie quotidienne telles que consulter le solde de son compte, comprendre un document ou pouvoir correspondre avec les administrations, sont rendues possibles par la simple activation de l'assistant vocal "Koné" intégré au "Superphone".
Équipé d'un système d'exploitation unique à l'entreprise, le téléphone intelligent de Cerco intègre déjà 17 langues ivoiriennes, comme le baoulé, le bété ou le dioula, et 50 autres langues du continent africain.
Le français reste largement parlé en Côte d'Ivoire, aux côtés des nombreuses langues locales, mais avec 40% de la population ivoirienne analphabète selon les chiffres officiels, ce "Superphone" vient combler un besoin, assure le président du fabricant Cerco, le Béninois Alain Capo-Chichi.
Ce téléphone peut répondre à la "frustration" que rencontrent les utilisateurs analphabètes face à l'offre technologique actuelle, "obligés de savoir lire pour utiliser un smartphone, une tablette ou un ordinateur", explique-t-il à l'AFP.
"Les différentes institutions ont d'abord voulu alphabétiser les populations avant de mettre à leur disposition les technologies", constate-t-il, ajoutant: "On peut sauter la lecture et l'écriture et aller directement vers l'insertion dans la vie économique et sociale des personnes".
Misant sur 3.000 bénévoles mobilisés à travers l'Afrique, Cerco ambitionne d'inclure au total 1.000 langues africaines à son fonctionnement. Objectif: pouvoir toucher près d’un milliard de personnes en Afrique, soit plus de la moitié de la population actuelle du continent, en croissance constante.
"Des smartphones pas intelligents"
"L'Afrique a raté plusieurs révolutions technologiques en raison de la lecture et de l'écriture qui ont été des blocages importants", déplore Alain Capo-Chichi, en affirmant que "la parole est trois fois plus rapide que l’écriture."
Son entreprise entend donc percer dans la téléphonie mobile en proposant un produit "qui facilite la vie des communautés comparé à d'autres smartphones qui se disent intelligents mais qui ne le sont pas".
"On n'a pas fait un smartphone, on a fait un Superphone, c'est une révolution", affirme Alain Capo-Chichi qui imagine déjà son invention dépasser les frontières de l’Afrique.
"L'offre actuelle arrive quand même à satisfaire les gens. Avec les services de messages vocaux proposés par WhatsApp par exemple, une grande partie du problème est déjà résolue", tempère Jean-Marie Akepo, expert en télécommunications.
Lui plaide plutôt pour un "logiciel avec des langues locales qu'on pourrait installer sur n'importe quel smartphone".
Confectionné sur le site du Village des technologies de l'information et de la biotechnologie (Vitib) de Grand-Bassam, une zone franche proche de la capitale ivoirienne, le développement de ce téléphone 100 % ivoirien fait l'objet d'une collaboration étroite avec le gouvernement.
L'entreprise ne paie ni impôts ni droits de douane. L'implantation de l'usine d'assemblage a en outre bénéficié d'une subvention de deux milliards de francs CFA (plus de trois millions d'euros).
Des aides en échange desquelles Cerco s'est engagée à verser 3,5% de ses revenus à l'Etat et à former quelque 1.200 jeunes chaque année.
Depuis sa mise sur le marché le 21 juillet, l'entreprise n'a pas communiqué les chiffres de ses ventes mais assure avoir reçu 200.000 commandes.
Grâce à un partenariat avec le géant français de la télécommunication Orange, le "Superphone" sera distribué dans 200 boutiques sur l'ensemble du territoire ivoirien.