Des experts palestiniens estiment que la dernière opération militaire israélienne dans la Bande de Gaza pourrait accroître la tension en Cisjordanie. Dans des déclarations séparées accordées à Anadolu, des experts ont indiqué qu’Israël pourrait mener une campagne d'arrestations et d'assassinats à l'encontre des dirigeants du Mouvement du Jihad islamique en Cisjordanie occupée.
Ils ont, toutefois, relevé que la Cisjordanie représente une « source d'inquiétude permanente » pour Israël qui considère cette zone comme étant une affaire intérieure, faisant partie de son territoire, compte tenu de « la recrudescence de l'extrémisme de la droite en Israël ».
Pendant trois jours, un affrontement militaire a opposé l'armée israélienne au Mouvement du Jihad islamique dans la Bande de Gaza, lequel affrontement a été sanctionné par un cessez-le-feu, à la faveur d'une médiation égyptienne annoncée dimanche soir.
Cet affrontement a fait, selon des chiffres du ministère palestinien de la Santé, 44 martyrs, dont 15 enfants, et 360 blessés, dont 20 dans un état critique.
L'agression israélienne a causé également, selon des données fournies par le ministère palestinien des Travaux publics et de l'Habitat, la destruction de 18 logements de manière intégrale, l’endommagement majeur de 71 autres, tandis que des dommages partiels qui ont touché près de 1675 habitations.
De son côté, Israël dit avoir adressé de fortes frappes contre le Mouvement, en assassinant deux de ses principaux dirigeants, à savoir Teycir Jaabari et Khaled Mansour.
Un autre affrontement de prévu
Aymen Youcef, professeur de sciences politiques à l'Université arabo-américaine à Jénine, indique qu'une nouvelle vague d’affrontements pourrait être enclenchée entre Israël et le Mouvement du Jihad islamique, en particulier, en Cisjordanie.
Dans une déclaration faite à AA, Youcef a relevé que l'accord de cessez-le-feu signé entre les deux parties est « fragile et aux contours flous ».
L'académicien palestinien s'est dit attendre à ce qu’Israël « mène une série d'opérations contre des activistes du Jihad islamique en Cisjordanie, à travers une campagne d'arrestations et d'assassinats ».
« Il est clair, a-t-il ajouté, que la politique de tensions permanente demeurera en vigueur en Cisjordanie, en particulier dans le nord, et plus précisément dans la ville et le camp de Jénine ».
Il a ajouté : « Malgré la capacité d'Israël à mener des opérations d'assassinats, il n'en demeure pas moins que les éléments du Mouvement du Jihad islamique sont désormais motivés par la vengeance à la suite de l'assassinat de leurs dirigeants à Gaza, ce qui pourrait aboutir à de nouvelles opérations, ce qui est de nature à alimenter l’escalade en Cisjordanie ».
L’enseignant de sciences politiques à l'Université arabo américaine a indiqué qu’Israël « investit dans le sang palestinien pour des visées électoralistes ».
Les élections israéliennes se tiendront le 1er novembre prochain.
La Cisjordanie: source d'inquiétude permanente
A son tour, Imad Awwed, directeur du « Centre de Jérusalem pour les Études des affaires israéliennes », a estimé que la Cisjordanie demeure une « source d'inquiétude permanente pour Israël et tout ce qui se passe dans la Bande de Gaza est impacté par les évènements en Cisjordanie ».
Il a déclaré à Anadolu qu’il « est attendu que la Cisjordanie connaisse un bouillonnement compte tenu de la poursuite par Israël de ses opérations et au vu de la situation politique, sociale et économique détériorée en Cisjordanie ».
Il a indiqué que « la nouvelle génération a une orientation plus encline à la résistance qu'elle considère comme étant un choix stratégique, ce qui signifie que l'élément de la tension existe et que l'affrontement pourrait être enclenché à tout moment ».
« Les campagnes israéliennes en Cisjordanie contre les Palestiniens constituent un échec et Tel-Aviv poursuit sa politique d'escalade en Cisjordanie dans la mesure où l’Etat hébreu est convaincue que Gaza n'interviendra pas dans ce qui se passe en Cisjordanie ».
Awwed a exclu le fait que « le dernier round d'escalade à Gaza aurait un impact sur les élections israéliennes ».
« En Israël, il y a une scission structurelle entre le courant de la droite, dirigé par l'ancien Premier ministre Benyamin Netanyahou, et le courant du Centre », a-t-il dit.
« Ce à quoi procède l'actuel gouvernement en Cisjordanie en termes d'assassinats, de tueries, de confiscations des terres et de constructions de colonies, sert le compte des colons qui ne soutiennent pas l'actuel gouvernement dans aucune élection et malgré cela le gouvernement le fait quand même », a-t-il conclu.
Le Jihad islamique, plus populaire
De son côté, Ahmed Rafik Awadh, directeur du Centre de Jérusalem pour les Études relevant de l'Université de Jérusalem, considère que la popularité du Mouvement du Jihad islamique après la récente guerre s'est accrue en Cisjordanie en particulier.
Il a ajouté, dans une déclaration faite à AA, que « loin de la logique des pertes et des gains, le Mouvement du Jihad est parvenu, quand bien même seul, à prouver sa capacité à faire face à Israël ».
Il a indiqué que ce « round a renforcé la présence du Mouvement dans les rangs de la rue palestinienne en particulier en Cisjordanie ».Awadh a prévu que « le Mouvement mènera une série d'opérations en Cisjordanie et à l'intérieur (Israël) où le sentiment de colère s'est accru auprès de ses éléments en Cisjordanie après la dernière opération militaire israélienne à Gaza ».
Il a, par ailleurs, estimé qu'Israël « pourrait perpétrer une série d'opérations d'assassinat contre des dirigeants et des activistes palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, au cas où l’Etat hébreu disposerait des informations et des renseignements nécessaires et que les conditions sont enclines à de tels actes, ce qui pourrait aboutir à un regain de tension et d'affrontement, que ce soit en Cisjordanie ou dans la Bande de Gaza ».
Le Jihad a besoin de temps pour se rétablir
De son côté, l'experte dans les Affaires palestiniennes, Nour Ouda a estimé que la « popularité du Mouvement du Jihad islamique après la dernière opération israélienne s’est accrue et ce Mouvement dispose désormais d'une plus grande popularité dans la rue palestinienne ».
Elle a toutefois indiqué que « ce Mouvement a essuyé un coup dur et douloureux et aurait besoin d'un laps de temps assez long pour se rétablir après avoir perdu des dirigeants de premier plan qui avaient une grande influence ».
Ouda a déclaré à Anadolu qu’Israël pourrait mener une nouvelle campagne de poursuites contre des cadres et des dirigeants du Mouvement en Cisjordanie, un fait qui pourrait rendre la déclaration publique d'appartenance à ce Mouvement à haut risque ».
Elle a ajouté qu’Israël « considère la Cisjordanie d’une manière autre que la Bande de Gaza ».
En effet, d'après notre interlocutrice, « Israël considère la Cisjordanie comme étant une affaire interne faisant partie d'Israël, compte tenu de la recrudescence de la force de la droite extrémiste.
Qais Abu Samra