De plus, l’envolée des prix des matières premières et de l’énergie perturbent voire entravent les projets immobiliers. Pour mieux comprendre l’état du marché immobilier en France en 2022, TRT Français est allé à la rencontre de l’agent immobilier Ludovic Arsapin, agent immobilier au cabinet KMI Paris.
Comment se porte le marché de l’immobilier en France en 2022 ? De quelle(s) manière(s), selon vous, l’inflation mondiale l’impacte-t-il ?
Après une année 2021 florissante due à un rattrapage sur la période de confinement, nous rencontrons, depuis janvier 2022, une baisse d’activité 4,5 à 5% sur Paris (C’est un peu moins vrai dans les grandes villes en province due à la rareté des biens). Elle est principalement liée à une situation économique fragile, à un chômage entre 6 et 7%, à une inflation galopante de 5% en avril 2022 mais aussi à la situation en Ukraine impactant les matières premières dont les prix explosent. De plus, les ménages sont méfiants et hésitants.
Quant aux entreprises, elles reportent leurs investissements. En effet, elles sont obligées de digérer les retards de trésoreries dus aux confinements passés et à la faible activité de ces derniers mois.
Les candidats à l’achat d’une propriété (maison ou appartement) sont-ils plus nombreux cette année ?
Si de nombreux dossiers ont été écartés (primo-accédants fragiles), il n’en demeure pas moins que les projets d’acquisition sont toujours réalisés pour ceux qui en ont la volonté ferme. Cependant, même pour ces derniers, la hausse des taux d’intérêts pour les prêts soit 0,2 à 0,3 points à intervalles réguliers impacte assurément ces candidats.
Un mot sur le marché locatif, comment se porte-t-il ?
Il y a toujours une tension car l’offre de bien locatif est inférieure à la demande et cette dernière ne cesse d’augmenter. A noter que l’encadrement des loyers et une législation se durcissant vont mettre des injonctions aux propriétaires et cela fragilise ce marché. En effet, beaucoup de propriétaires, ayant un parc vétuste, décident simplement de liquider quitte à vendre sous le prix du marché. Cela réduit considérablement le nombre de bien disponibles. A noter, les solutions de coliving, comme nouveau type d'habitat partagé au sein d'un immeuble ou dans une grande maison, sont en plein essor.
Pour quelles raisons les banques demandent-elles aujourd’hui jusqu'à 20% d’apport dans le cadre de l'obtention d'un prêt ?
Les banques sont impactées également par ces turbulences sur les marchés financiers. Ainsi, les actions prises visent à limiter les risques via : un plafonnement des taux d’intérêts à 35%, une limitation de la durée maximale d’emprunt fixée à 25 ans, un taux d’apport moyen d’environ 20% du projet et la fin de l’intégration des revenus locatifs existants pour les investisseurs. Tout ceci a pour conséquence de restreindre l’accès au crédit des ménages, à la fois les plus précaires et les plus jeunes (notamment les primo-accédants). Les banques ont toujours une ambition de rentabilité et elles investissent d’abord et avant tout sur les dossiers de leurs meilleurs clients.
Avec la guerre en Ukraine, une attention particulière est portée en France sur les énergies en prévision de l’hiver, ressentez-vous le besoin d’être rassuré voire les craintes des clients quant aux performances énergétiques des biens immobiliers que vous vendez ?
On le ressent déjà ! Les clients fixent, comme un des critères principaux, la note DPE. Le G est devenu rédhibitoire et ce, pour plusieurs raisons : la hausse de 30 % du prix de l’énergie, les mesures coercitives de l’Etat en direction des passoires thermiques, et la volonté d’avoir un bien monnayable dans le moyen et le long terme. Aussi, la question est un vrai dilemme pour les ménages. A tel point que beaucoup de ménages attendent en étant convaincus que le gouvernement va revenir sur la note. En attendant, ils mettent en stand-by leur projet.
La position du Cabinet KMI, acteur historique sur l’est parisien, est la suivante : Daniel Morgenstern, gérant et fondateur, nous a réunis, il y a quelques mois, en nous interpellant sur la notion de passoire énergétique et de son impact dans l’esprit des clients depuis la promulgation de la loi en juillet 2021.
Depuis, nos décisions ont été les suivantes :
1) Informer les clients de ces mesures
2) Expliquer l’impact à court et à long terme de ces décisions
3) Montrer les possibilités offertes et réaliser une estimation des coûts pour faire évoluer la note
4) Faire intervenir des artisans qualifiés et certifiés pour réaliser des devis garantis pour les projets complexes. Grâce à cette approche, dite personnalisée, nous avons pu accompagner en mai près de 20 projets nous permettant de faire, dans un contexte morose, un bon trimestre.