Le maire de Grenoble souhaite que les nageurs s'habillent comme ils l'entendent dans les piscines de sa ville, que ce soit topless ou en maillot de bain intégral.
Mais beaucoup de ses compatriotes ne sont pas d'accord avec lui, insistant sur le fait que le "burkini" - un mot-valise aux connotations sournoises de "burqa" - devrait être interdit.
Quelques semaines après la réélection du président Emmanuel Macron, l'ambiance dans le pays a retrouvé sa toxicité et ses banalités quotidiennes. Le dernier débat en date a eu lieu à Grenoble, après que le conseil municipal ait voté pour autoriser l'assouplissement des règles controversées précédentes sur les tenues de bain dans les piscines en plein air.
Les baigneurs peuvent désormais s'habiller comme ils le souhaitent dans les piscines, porter des maillots de bain intégraux ou se mettre les seins nus. Le ministre français de l'Intérieur, un conservateur, a déclaré que cette décision était une "provocation inacceptable" contraire aux valeurs de la République laïque. Il a annoncé qu'il essaierait de le bloquer.
Pour Eric Piolle, d'Europe Écologie Les Verts, élu maire de Grenoble en 2014, autoriser le burkini dans les piscines n'est pas une affaire religieuse, mais centrée sur la liberté de choix et l'égalité. "Les femmes devraient être autorisées à nager seins nus ou en burkini", a-t-il déclaré.
Cependant, coiffée chèrement et habillée bon chic, bon genre, Marine Le Pen, la candidate d'extrême droite qui a remporté 41 % des voix au second tour de l'élection présidentielle en avril, a déclaré à la radio RTL : « Si j'avais été élue , j'aurais interdit le burkini dans les piscines. »
Le burkini est autorisé dans les piscines de la ville de Rennes, rappelle le maire de Grenoble à ses administrés. Cette autorisation a été votée il y a quatre ans par un maire socialiste, avec l'aide de députés du parti d'Emmanuel Macron, La République En Marche. "Cela n'a posé aucun problème jusqu'à présent", a ajouté Piolle sur France 2.
Un groupe de gauche pro-musulman, Alliance citoyenne, a soutenu Piolle en organisant des manifestations à Grenoble et dans d'autres endroits en France, où le burkini est interdit.
De nombreuses féministes françaises laïques et encore plus d'hommes politiques soutiennent l'interdiction du burkini, arguant que les femmes musulmanes ne devraient pas faire l'objet de "dictats religieux masculins". Ils refusent de considérer que cela pourrait être un choix des femmes elles-mêmes et qu'une prohibition leur interdirait injustement d'utiliser les piscines publiques.
Il est curieux qu'une femme exposant ses seins soit considérée comme un triomphe pour le féminisme par de telles personnes, mais une autre choisissant de couvrir ses jambes ne le soit pas.
De nombreux politiciens d'extrême droite et de droite comme Laurent Wauquiez du parti Les Républicains sont irrités par la décision de Piolle. Avec le dernier développement, Wauquiez coupera des millions d'euros de subventions du conseil régional à Grenoble.
Cette polémique banale est la dernière en France sur les vêtements portés par les femmes musulmanes, dont beaucoup prétendent qu'il s'agit d'une métaphore de l'assujettissement.
Mais d'autres soutiennent aussi farouchement que la liberté de se vêtir d’un hijab ou d’un burkini permettrait à une proportion beaucoup plus importante de femmes musulmanes en France de participer activement à la société en général.
La France abrite plus de 6 millions de musulmans, pour la plupart des descendants de ses anciens sujets coloniaux d'Afrique du Nord.
Le choix d'une femme ne gagne aucun respect en France, à moins qu'il ne corresponde à l'interprétation française rigide et maintenant contournée de la laïcité.
En 2004, la France a interdit le hijab des salles de classe dans les écoles publiques et les bureaux du gouvernement, bien qu'il reste visible dans les rues du pays.
Nicolas Sarkozy, dont la présidence a été marquée par la montée du racisme anti-musulman (et qui n’était pas réticent à soutirer de l'argent de certains dirigeants du monde musulman), était ministre de l'Intérieur au moment de son interdiction. Il est élu président trois ans plus tard.
Le gouvernement de droite de Sarkozy a également interdit le port du voile intégral partout en France et a été accusé par des groupes de défense des droits de l’homme de choisir de stigmatiser les femmes musulmanes.
Ce n'est pas la première fois que le burkini suscite un tollé général en France.
Une controverse sur cette tenue de bain en 2016 a amené le plus haut tribunal administratif de France, le Conseil d'État, à créer un précédent en droit, lorsqu'il a annulé une interdiction du burkini, intentée par la ville de Villeneuve-Loubet, dans le sud-est de la France.
Le tribunal a estimé que l'interdiction introduite par 30 villes côtières était "une atteinte grave et illégale aux libertés fondamentales".
Pendant la campagne présidentielle, entre les deux tours électoraux, Macron a été interpellé par une femme portant le hijab à Strasbourg, qui lui a demandé s'il se considérait comme féministe.
« Portez-vous le voile parce que vous le voulez ou parce qu'on vous y oblige ? a demandé Macron, à quoi elle a répondu que c'était en grande partie son choix.
Dans le débat entre Le Pen et Macron, la candidate d'extrême droite a déclaré qu'elle interdirait complètement le port du voile dans l’espace public et infligerait une amende à toute femme qui bafouerait l’interdiction.
Les musulmans de France restent méfiants en cette période post-électorale, à quelques semaines des élections parlementaires de juin.
Les personnes de confession musulmane (pratiquant ou non) formant une minorité jeune et dynamique en Europe, qu'elles soient de première, deuxième, troisième ou même quatrième génération, ces questions vestimentaires révèlent un malaise bien plus profond à travers le continent : le racisme et le sectarisme vont-ils prospérer, ou alors l'intégration, devenant aussi soyeuse et agréable qu'un foulard Hermès - qu'aucun Français ne songerait à bannir, triomphera-t-elle ?