Les pays africains ont décidé de minimiser les biais négatifs qui, selon eux, sanctionnent souvent leurs notations financières par les trois plus grandes agences du secteur dans le monde : Standard and Poor's, Moody's et Fitch.
Réunis le week-end dernier à l'occasion du 38ᵉ sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba en Ethiopie, les dirigeants africains ont officialisé la création dès juin prochain, d’une agence de notation financière propre au continent.
Cette agence de notation “sera l'une des principales institutions financières qui va œuvrer à équilibrer la position du continent dans l'architecture financière mondiale”, souligne le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) qui veille à la mise en œuvre des stratégies de développement sur le continent.
Pour en finir avec les notations biaisées
Les complaintes des pays africains sur une évaluation erronée de leur capacité à rembourser les emprunts devenaient insistantes. Ce qui renchérit le coût des emprunts internationaux, pourtant nécessaires pour financer les économies africaines.
Au banc des accusés, Standard and Poor's, Moody's et Fitch. Le “big three” n’avait pas échappé aux critiques acerbes de Macky Sall, l'ancien président du Sénégal, à une réunion de l'OCDE à Paris en juin 2022. Son évaluation sévère des économies africaines était, d'après lui, porteuse de risques artificiels d'investissement. D'où un renchérissement des primes d’assurance,du coût de l’investissement et du crédit sur le continent.
“En Avril 2022, le rapport sur le financement du développement durable a révélé la sévérité des agences de notation vis-à-vis des pays du Sud et leur relative indulgence à l’égard des pays industrialisés”, insistait l’ancien président sénégalais.
“Les pays développés qui ont connu une augmentation de leur dette et un ralentissement économique beaucoup plus important ont largement échappé aux dégradations ; ce qui renforce leur accès à un financement de marché abondant et abordable”, a-t-il souligné plaidant alors pour la création d’une agence de notation africaine alors qu’il présidait l’Union africaine.
Les notations souveraines ont un rôle essentiel pour les pays en développement en Afrique. D'après le Fond monétaire international (FMI), elles “permettent aux emprunteurs d’accéder aux marchés mondiaux et nationaux et d’attirer les fonds d’investissement, ajoutant ainsi de la liquidité sur les marchés qui, autrement, ne seraient pas liquides”.
Les notes facilitent la levée directe des fonds aux gouvernements et entreprises sur les marchés de capitaux par l’émission de dette. Cela leur permet d'éviter l'écueil des emprunts bancaires ou des bailleurs de fonds.
Du reste, une étude du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) avait, en avril 2023, mis en exergue la nocivité des notations biaisées des trois grandes agences mondiales sur les économies africaines.
“Réduire le coût des emprunts en Afrique : le rôle des notations souveraines”, montre que les pays africains pourraient économiser jusqu'à 74,5 milliards de dollars, si les notations de crédit étaient basées sur des évaluations moins subjectives.
Ceci leur permettrait de rembourser une grande partie de leurs dettes intérieure et extérieure et de dégager des fonds pour des investissements dans le développement du capital humain et des infrastructures.
“74 milliards de dollars, c'est plus que ce que l'ensemble du continent africain reçoit en aide chaque année. Cela équivaut à 80% des besoins annuels d'investissement en infrastructures de l'Afrique, estimés à 93 milliards de dollars”, insiste l'étude du PNUD.
Au-delà de la création d’une agence de notation souveraine, il y a le défi de la crédibilité. Les dirigeants africains promettent que ce sera “une entité indépendante et pilotée par le secteur privé“, dont le principal atout sera une “sensibilité au contexte, qui lui permettra de générer des informations plus complètes sur le profil de crédit en utilisant des experts compétents basés en Afrique et en bénéficiant d'un accès relativement meilleur aux données”.
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