Depuis plusieurs semaines, l’utilisation abusive de jets privés fait réagir l’opinion publique. Des internautes traquent les trajets des ultra riches sur les réseaux sociaux pour dénoncer et mettre en lumière leur impact environnemental à l’ère de la crise climatique. Le moindre trajet s'appuyant sur des données publiques du trafic aérien est analysé par des internautes comme le compte "Celebrity Jets" qui suit les vols de célébrités grâce à des données publiques en ligne.
La pression sur les célébrités s’amplifie pour limiter leur déplacement. L’agence de marketing Yard, a établi un classement des célébrités les plus polluantes en classant la chanteuse Taylor Swift comme "la célébrité la plus pollueuse de l'année", avec 170 vols depuis le début de l'année.
En plus de rejeter du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, beaucoup de ces trajets sont mis en question à cause de leur durée. Le rappeur Drake a par exemple été sous le feu des critiques pour un vol de 14 minutes entre Toronto et Hamilton.
Selon le Huffington Post, Elon Musk, patron de Tesla et SpaceX, a même proposé 5 000 dollars au propriétaire du compte "ElonJet" pour qu’il cesse de le suivre.
Si les gouvernements mettent en place des stratégies pour limiter leur empreinte carbone et les citoyens appelés à diminuer ceux-ci, une heure de jet privé émet autant de carbone qu'un Français dans sa voiture pendant une année, selon Lucas Chancel, codirecteur du laboratoire sur les inégalités à l’École d’économie de Paris.
Pour lui, demander des efforts aux Français alors que les riches continuent à utiliser des jets privés sans limitation renforcera le sentiment d’injustice en rendant plus difficile la transition climatique.
"Nous devrions tous modifier nos modes de vie pour atteindre zéro émission en 2050. Si les plus gros pollueurs jouissent de dérogations, comment faire accepter au reste de la population les efforts considérables qui lui seront demandés?" a-t-il tweeté.
Réguler ou interdire ?
Julien Bayou, secrétaire national EELV, et David Belliard, maire adjoint de Paris ont quant à eux appelé à interdire les jets privés.
"Il est temps de bannir les jets privés", a lancé Bayou dans Libération. "Il s'agit de déplacements caprices qui auraient pu être faits en train ou en avion commercial", a dénoncé le député écologiste.
Quant à Manuel Bompard, député la France insoumise des Bouches-du-Rhône, l’utilisation des jets privés n’est pas compatible avec les objectifs écologiques, et les riches ne devront plus continuer à vivre dans ce luxe au détriment du réchauffement climatique.
Si "l'interdiction n'est pas toujours la solution à tout (…) On ne peut pas continuer comme si de rien n'était et considérer que les pauvres doivent faire des efforts face à l'urgence climatique et que les ultras riches peuvent continuer à se gaver et à profiter", a-t-il dénoncé.
Suite aux critiques, le gouvernement et notamment le ministre délégué chargé des Transports Clément Beaune, s’est dit favorable à une régulation des jets en jugeant qu'"il y a un certain nombre de comportements qui ne passent plus". Le sujet devrait être abordé lors des discussions sur le "plan sobriété" voulu par Emmanuel Macron.
Le marché en plein essor
Si les critiques augmentent, l’usage de ces avions aussi. Le marché de l’aviation privée ne s’est jamais aussi bien porté. Après les restrictions du Covid-19, les jets privés ont redécollé beaucoup plus vite que le reste du secteur en dépassant les niveaux de 2019 depuis l’été 2021.
Selon l'ONG Transport & Environment, la France et le Royaume-Uni sont les principaux pays hébergeant des jets en Europe avec près de 40% des émissions des avions privés. Dans l'Hexagone en 2019, un avion sur dix au décollage était un jet privé et la moitié des trajets était de moins de 500 km.
En France, depuis la promulgation de la loi Climat et Résilience en août 2021, les trajets pouvant être faits en moins de 2h30 en train sont interdits en avion. Mais celle-ci ne s'applique pas aux jets privés.