Les Tchadiens votent depuis ce lundi, trois ans après la prise du pouvoir par Mahamat Idris Déby, à la faveur d’un coup de force. C’est la première élection présidentielle dans le Sahel, depuis une vague de coups d'État au Mali, Burkina Faso et Niger.
Les observateurs de la vie politique tchadienne estiment que Deby, qui a pris le pouvoir le jour où les rebelles ont tué son père Idriss Deby, en avril 2021, part favori. Néanmoins, son principal adversaire, le Premier ministre Succès Masra a drainé de nombreux soutiens durant la campagne électorale.
Déby, qui a voté tôt lundi dans la capitale N'Djamena, a promis de renforcer la sécurité, l'État de droit et d'augmenter la production d'électricité.
"Je confirme aujourd'hui un quatrième engagement qui était d'achever le processus de transition lancé dans notre pays il y a trois ans. C'est désormais au peuple de voter massivement pour choisir son président", a déclaré Déby dans un message sur son compte Facebook après avoir voté.
Environ 8,5 millions de personnes se sont inscrites sur les listes électorales. Les résultats provisoires sont attendus d'ici au 21 mai et les résultats définitifs au plus tard le 5 juin.
Si aucun candidat n'obtient plus de 50 % des voix, un second tour aura lieu le 22 juin.
Le vote coïncide avec un retrait temporaire d’une partie des troupes américaines du Tchad, un allié occidental important dans une région d’Afrique de l’Ouest et centrale courtisée par la Russie et ravagée par le terrorisme.
Depuis qu’il a remplacé son père à la tête de ce pays producteur de pétrole d’Afrique centrale, Déby est resté proche de la France, ancienne puissance coloniale et allié de longue date. Paris a ouvertement apporté son soutien à Mahamat Deby.
Alors que d’autres pays du Sahel dirigés par des militaires, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont demandé à Paris et à d’autres puissances occidentales de se retirer et se sont tournés vers Moscou pour obtenir son soutien, le Tchad reste le dernier État du Sahel à disposer d’une présence militaire française substantielle.
Les États-Unis ont toutefois annoncé le mois dernier le retrait temporaire d'une partie de leurs soldats, suite à une exigence du chef de l'armée de l'air tchadienne ordonnant aux États-Unis de suspendre leurs activités sur la base aérienne de Kossei.
Inquiétude dans l’opposition
Le vote oppose Déby à son Premier ministre Succès Masra, ancien opposant politique qui a fui en exil en 2022, mais a été autorisé à revenir un an plus tard. Sont également en lice, l'ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacke et sept autres candidats.
Yaya Dillo, un homme politique de l'opposition qui devait se présenter contre Déby bien qu'il appartienne à la même famille élargie, a été tué par balle dans la capitale N'Djamena le 28 février, jour de l'annonce de la date des élections.
Certains membres de l’opposition et groupes de la société civile ont appelé au boycott, invoquant des inquiétudes concernant une éventuelle fraude électorale. Cela a fait craindre des violences potentielles.
"Cette élection présidentielle est d'une importance capitale pour le pays, car tout un peuple aspire au changement", a déclaré Baniara Yoyana, ancien ministre et magistrat.
"Le processus doit être mené dans la transparence pour éviter tout risque d'affrontement."
Certains observateurs n'ont pas obtenu leur accréditation avant le vote et n'ont reçu aucune justification pour expliquer le refus, a déclaré dimanche l'Alliance des citoyens pour les élections (ACET), une plateforme qui surveille le scrutin.
La violence à l’époque de Mahamat Deby
La transition qui a duré trois ans, a été marquée par des actes de violence. D’abord le 20 octobre 2022, qualifié de “jeudi noir “. Ce jour-là, des centaines de jeunes tchadiens, s’opposant à la prolongation du mandat du gouvernement de transition de Mahamat Idriss Déby, ont été abattus par les forces gouvernementales.
Ensuite, il y a l'assassinat de Yaya Dillo, cousin de Mahamat Déby et l'un de ses plus farouches opposants.
Le leader du Parti socialiste sans frontières, a été tué au siège de sa formation politique à N'Djamena le 28 février 2024. Officiellement, on lui reprochait une attaque meurtrière contre les services de renseignements du pays.
Pour de nombreux observateurs, les jeux sont déjà faits et cette présidentielle servira tout simplement à légitimer le pouvoir de Mahamat Deby.