La Syrie, après la Turquie, a sollicité l'aide de l'Union européenne pour des secours à la suite du violent séisme qui a frappé les deux pays, a annoncé mercredi le commissaire européen Janez Lenarcic, encourageant les Etats membres de l'Union européenne à apporter cette assistance.
"Ce matin, nous avons reçu une demande d'aide du gouvernement syrien par le biais du mécanisme de protection civile. Nous partageons cette demande avec les États membres de l'UE et nous les encourageons à apporter l'aide demandée", a déclaré le responsable, chargé de la gestion des crises, lors d'une conférence de presse.
Le tremblement de terre, qui a tué des milliers de personnes en Syrie, s'avère un casse-tête diplomatique pour les pays qui souhaitent acheminer l'aide aux Syriens, en particulier à Idleb, dans le nord-ouest.
Quelques heures après le séisme lundi, l'aide d'urgence était en route vers la Turquie. Des pays comme la France, l'Allemagne et les Etats-Unis ont également promis de secourir les victimes syriennes sans pour autant dépêcher immédiatement les secours en raison des difficultés logistiques dans un pays en guerre.
Venir en aide à la population syrienne "dans le contexte politique d'un régime qui a déclenché une guerre civile qui dure depuis plus de 10 ans" est compliqué, a consenti mardi Laurence Boone, secrétaire d'Etat française devant l'Assemblée nationale, ajoutant que la France privilégie l'aide via les ONG et les Nations unies.
"La Syrie reste une zone d'ombre d'un point de vue légal et diplomatique", témoigne Marc Schakal, le responsable du programme Syrie de Médecins sans Frontières, exhortant à acheminer l'aide "au plus vite".
Il redoute que les ONG locales et internationales ne soient dépassées dans un pays ravagé par 12 années de guerre civile.
L'aide est d'autant plus cruciale que "la situation de la population était déjà dramatique", renchérit le médecin Raphaël Pitti, un responsable de l'ONG française Mehad ex UOSSM particulièrement inquiet pour la province d'Idleb.
L'un des problèmes majeurs est l'accès à ce dernier grand bastion rebelle qui compte 4,8 millions de personnes, dit-il.
Points d'accès
La quasi-totalité de l'aide humanitaire y est acheminée de Turquie par Bab al-Hawa, l'unique point de passage, garanti par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
Acheminer de l'aide à partir du territoire syrien contrôlé par Damas est épineux diplomatiquement. Cela suppose aussi que le régime consente à la transmettre aux populations de la zone rebelle et que les belligérants s'accordent sur sa distribution.
Le passage de Bab al-Hawa a été maintenu pour six mois supplémentaires jusqu'au 10 juillet. Mais Bab al-Hawa a été touché par le séisme ayant frappé les deux pays, a déclaré l'ONU mardi.
Pour l'heure, les experts doutent de la possibilité que les anciens points de passage puissent être rouverts.
Le régime de Damas, sous le coup de sanctions internationales depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, a pressé la communauté internationale de lui venir en aide alors que le bilan s'alourdit: plus de 1.700 morts. Et plus de 4.500 en Turquie, selon des données provisoires.
L'ambassadeur du régime syrien aux Nations unies Bassam Sabbagh a assuré que cette aide irait "à tous les Syriens sur tout le territoire". A condition néanmoins que celle-ci soit acheminée de l'intérieur de la Syrie sous contrôle du régime.
Suspension des sanctions ?
Berlin est sorti de sa réserve pour demander l'ouverture de tous les points de passage.
De plus, "tous les acteurs internationaux, y compris la Russie, devraient user de leur influence sur le régime syrien pour que l'aide humanitaire aux victimes puisse arriver", a commenté la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock.
La France semble plus sur la réserve, "gênée aux entournures" d'aller dans un pays où elle ne reconnaît pas la légitimité du régime, avait souligné plus tôt Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité.
Outre l'ouverture de nouveaux points de passage, des voix s'élèvent comme celle de la communauté catholique de Sant'Egidio, dont le siège est à Rome ou le Croissant-rouge syrien pour suspendre les sanctions pour permettre à l'aide d'arriver plus rapidement.
Les pays occidentaux imposent des sanctions au régime de Bachar al-Assad depuis la brutale répression des manifestations antigouvernementales en 2011.
L'appartenance de la Syrie à la Ligue arabe avait également été suspendue.
Mais les Émirats arabes unis ont cherché ces dernières années à ramener ce régime isolé dans le giron arabe, rouvrant leur ambassade à Damas en 2018 et accueillant le président syrien à Abou Dhabi l'année dernière.
Ils ont promis mardi 100 millions de dollars d'aide aux victimes du séisme. La moitié de la somme ira aux populations affectées en Syrie.
Emmanuel Dupuy y voit "une sorte de normalisation au niveau de la Ligue arabe". La Syrie pourrait, de son côté, faire valoir "un retour en grâce du fait qu'elle est victime" de ce séisme, dit-il.
"Il est impératif que tout le monde considère cette situation (...) pour ce qu'elle est, une crise humanitaire où des vies sont en jeu", a lancé mardi le porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU, Jens Laerke, de Genève. "S'il vous plaît, ne la politisez pas".
Le Maghreb s'est aussi mobilisé avec, pour l'Algérie, l'envoi de 17 tonnes de matériel d'intervention ainsi qu'un premier groupe de 89 agents spécialisés dans la gestion des risques majeurs envoyé dès lundi en Turquie.
Elle a aussi fourni 115 tonnes de produits pharmaceutiques et alimentaires et des tentes à la Syrie où une équipe de la protection civile algérienne constituée de 86 secouristes s'est rendue dans la nuit.
La Tunisie a mis à disposition 14 tonnes de couvertures et de produits alimentaires, dont du lait pour les bébés et a décidé d’envoyer au total 60 sauveteurs dont 41 en Turquie.
Un régiment de l'armée libanaise et des équipes de secouristes doivent se rendre Syrie.
Et les Emirats arabes unis, qui ont en outre promis 100 millions de dollars d'aide, un montant qui sera divisé à parts égales entre la Syrie et la Turquie.
L'Arabie saoudite, qui n'entretient pas de liens avec le régime de Damas depuis 2012, a pour sa part annoncé la mise en place d'un pont aérien pour venir en aide aux populations affectées à la fois en Turquie et en Syrie.
Quant au président russe Vladimir Poutine, il a annoncé l'envoi de "secouristes" en Turquie et en Syrie. 300 militaires russes présents dans ce dernier pays ont commencé à aider au déblaiement des décombres, et Téhéran a envoyé lundi à Damas un avion transportant 45 tonnes d'aide.
Deux avions en provenance d'Irak sont arrivés à Damas, transportant chacun 70 tonnes de vivres, couvertures et fournitures médicales, entre autres. Bagdad enverra mercredi du carburant.
La Jordanie a dépêché de premiers avions de secours avec à leur bord du matériel médical et logistique ainsi qu'une équipe de secours comprenant 99 secouristes et cinq médecins.